Spectacle itinérant en bois urbainZanco part à la rencontre d’une femme-ourse dans les parcs du canton
La compagnie théâtrale genevoise présente sa nouvelle création, «Miedka», à Vernier. Le réel y fait bon ménage avec l’imaginaire.

Il faut s’imaginer au crépuscule, entre chien et loup, à la lisière entre ville et forêt. Dans le parc de la mairie à Vernier, vendredi et samedi, puis en août et septembre aux Evaux, au parc Bernasconi, à la Bâtie et au parc La Grange, l’imaginaire s’entremêle avec le réel. Pas étonnant alors qu’une créature composite surgisse au coin du bois, mi-humaine, mi-ourse.
Entre deux grognements, l’improbable bête va côtoyer une jeune femme, puis une autre, une troisième enfin. Des sœurs? Ou plusieurs fois la même? Qu’importe. Quand elle ne danse pas avec grâce comme ses alter ego, l’une d’entre elles raconte une étrange histoire: celle de l’anthropologue et écrivaine française Nastassja Martin, spécialiste des populations du Grand-Nord. Les Evènes, le peuple animiste du Kamtchatka chez qui elle s’est installée, l’ont surnommée Miedka, autrement dit celle qui vit entre les mondes.
Endroits insolites
«Miedka», c’est aussi le titre de la nouvelle création de la compagnie genevoise Zanco. Depuis 2005, cet ensemble d’artistes habiles à transformer la géographie urbaine en territoire fictionnel amène le théâtre chez les gens, souvent dans des endroits insolites: chantiers, arrière-cours, bibliothèques, bois et bosquets.

À quelques encablures de la première de «Miedka», on retrouve Yuval Dishon, le responsable artistique de Zanco, plongé dans les derniers réglages d’un spectacle itinérant d’environ 1 h 15, mêlant oralité, danse, marionnettes et musique. Au parc des Franchises, tout près de l’arcade où la compagnie s’est installée en 2021, le metteur en scène livre ses ultimes instructions à ses comédiennes, Maud Farrugia, Lola Kervroëdan et Karin Rose.
«Les propos de Nastassja Martin résonnaient avec plusieurs questionnements personnels.»
Engoncée dans une structure métallique partiellement recouverte de fourrure, cette dernière tient dans sa main gauche un masque animalier évoquant une tête d’ours. Sa main droite s’est glissée dans une patte griffue. «Qu’est-ce que vous faites?» interroge un môme de passage, intrigué. Enregistrée et diffusée par l’entremise de colonnes amovibles, la musique de Guillaume Lagger renforce l’étrangeté du moment.

«Ce projet, j’ai commencé à l’écrire début 2020, en me basant sur des interviews de Nastassja Martin», raconte Yuval Dishon. Dans son livre «Croire aux fauves», cette adepte de l’animisme raconte une rencontre choc avec un ours, à laquelle elle a survécu. L’expérience l’amène à évoquer notre époque. «Ses propos résonnaient avec plusieurs questionnements personnels liés notamment à la question du rêve et de la crise environnementale.»
Frontière artificielle
Dans un premier temps, en raison des précautions sanitaires liées au Covid-19, le grand manitou de Zanco a monté «Ourse». Présenté l’an dernier, ce spectacle tous publics se présentait comme une parade accompagnée de trois histoires courtes indépendantes. Davantage destinée aux ados et aux adultes, «Miedka» apparaît plus complexe. Itinérante – on se déplace au fur et à mesure du récit –, cette création explore l’artificialité de la frontière séparant l’humain des autres êtres vivants. Elle évoque aussi notre place dans une nature bouleversée par les crises écologiques.
Pour Yuval Dishon, les bois où se déroulent «Miedka» constituent un lieu métaphorique, protagoniste à part entière du spectacle. «En se baladant entre les scènes, le spectateur devient actif par rapport au propos.» Une des marques de fabrique de Zanco.
«Miedka, la rencontre des mondes», par la Cie Zanco. Vendredi 15 et samedi 16 juillet à 21 h, parc de la mairie à Vernier. Renseignements: zanco.ch
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