INTERNATIONALWashington place ben Laden dans sa ligne de mire
Le Saoudien, expert en blanchiment, sait actionner tous les canaux.

L'argent est le nerf de la guerre: pour réussir une telle opération d'envergure, les commanditaires des attentats new-yorkais disposent d'une vaste nébuleuse financière couvrant l'Europe, l'Afrique, l'Asie. Chez Oussama ben Laden, le sens des affaires est une vieille tradition familiale. Elle remonte à Obka, l'arrière-grand-père venu de Perse qui s'était installé à la fin du siècle dernier, au Yémen pour se lancer dans les affaires.
En Arabie saoudite, grâce aux liens privilégiés avec le roi Faysal, le grand-père ben Laden édifie une immense fortune grâce au BTP. A l'instar de ses frères, Oussama a créé sa propre entreprise spécialisée dans le génie civil. Hier, Colin Powell, secrétaire d'Etat américain, a pointé son doigt sur ben Laden comme suspect No 1 se trouvant derrière les attentats.

De l'avis général, Oussama est un spécialiste du blanchiment ayant géré depuis Istanbul la gigantesque manne de soutien à la résistance afghane contre l'URSS fournie par l'Arabie saoudite et les... Etats-Unis. C'est un as de la création des sociétés écrans, installées non seulement au Pakistan et dans les Etats du Golfe, mais dans les places traditionnelles de la haute finance en Europe, Genève, Francfort et Londres.
Investissements londoniens
Au Soudan, il a ainsi créé au début des années 90 la «Oussama Holding» qui bâtit la principale route du pays et plusieurs immeubles de grand standing à Khartoum où est fondée la Banque du Nord (Bank ach-Chamal), l'une des banques les plus en vue du pays. A Londres, ses hommes liges investissent sous couverture dans l'électronique, le bâtiment, l'import-export. Ses avoirs organisés par le truchement de montages financiers complexes sont estimés par les services britanniques à plus de 30 millions de livres.
Intermédiaires discrets
La City fait-elle ses vaches grasses du «blanchiment» des fonds de cette nébuleuse extrémiste musulmane couvrant l'Europe, l'Afrique, l'Asie? Pas directement. «Pour nous, c'est de l'argent intouchable. Ceci dit un financier islamiste peut jouer sur les devises, les euros obligations au porteur grâce à des sociétés écrans opérant à partir de Gibraltar ou les cartes de crédit émises par une banque arabe.
Mais les sommes en jeu à Londres ou en Suisse ne sont pas significatives», déclare un banquier de la place. Les argentiers des extrémistes sont souvent contraints d'offrir des commissions très élevées (atteignant parfois trois fois le montant normal) aux professionnels de banques peu regardantes, à savoir des établissements d'Amérique latine ou du Sud de l'Europe, voire de banques arabes installées à Londres.
Placements islamistes
Cependant de l'avis général, la surveillance renforcée de la Banque d'Angleterre sur les opérations de blanchiment des banques étrangères où les enquêtes du contre-espionnage de Sa Majesté ont contraint les activistes à se détourner des établissements ayant pignon sur rue pour recourir à des agences de transfert de fonds, comme la Western Union, ou les officines de change tenues par des ressortissants du Proche-Orient dans les quartiers à forte population arabe, comme Bayswater ou Edgware Road pour faire circuler les fonds.
Outre la filière financière classique, deux autres réseaux sont utilisés par les islamistes pour faire fructifier leurs avoirs, estime la National Criminal Intelligence Service (NCIS), l'organisme britannique chargé de la lutte contre le lessivage d'argent sale: les cabinets d'avocats et les bureaux comptables. Les grandes sociétés juridiques anglo-saxonnes offrent en effet des placements financiers dits islamistes (c'est-à-dire conformes aux préceptes du Coran) sur mesure aux grosses fortunes du monde arabe.
Selon les enquêteurs du NCIS, ils seraient moins regardants que les banques quant à l'origine des fonds. Ce laxisme est lié à la formation très particulière que reçoit le «lawyer» américain, juriste payé à l'heure, qui croit plus aux vertus du compromis qu'à celles de la confrontation.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.