C’est bien connu, un repas de Noël réussi est accompagné de belles disputes. Après la confection des traditionnels biscuits de saison, vous pouvez recycler vos emporte-pièces pour élaborer toute une série d’expressions galvaudées et autres mots-valises afin de colorer les repas familiaux.
Dans cette époque de surcommunication, régie par les formules véhiculées par les médias ou les réseaux sociaux, le syndrome du hashtag permet aux poètes modernes de résumer des faits de société complexes en un seul mot.
Le 24, le 25 décembre, pour dégommer son «tonton raciste» ou sa petite sœur «féministe extrémiste», on fera donc dans la polémique ciblée. Un hashtag, un seul mot, qui nous permettra de disserter à table comme nous le faisions à l’école ou au gymnase, avec thèse, antithèse, mais surtout pas de synthèse.
«Est-ce que le fait de ne plus pouvoir appeler son copain noir «Bamboula», c’est enfreindre la liberté d’expression?»
Mais quel menu adopter pour un clash réussi? En amuse-bouche, je vous propose un petit #MeToo. Depuis 2007, la tendance a eu ses hauts et ses bas mais fait toujours son petit effet. Alors, au bureau, on se permet toujours de la glisser, cette main langoureuse sur la nuque de Chantal de la compta? Ou alors on est trop coincé, on cherche la petite bête partout?
Pour l’entrée, on peut recycler les tendances récentes. Un bon provax-antivax comme nouveau terre et mer des tablées de fin d’année. Pas besoin d’assaisonner, laissez voguer votre créativité: #vaccinobsessionnels, #coronamoureux. Chaque mot que vous inventez est un monde, mes petits Verlaine en puissance.
Pour le plat de résistance, aucune hésitation. Optez pour «woke», qui a récemment donné de l’urticaire à des étudiants de la HEPL et à nos lecteurs. Très peu gourmand en énergie, importé des États-Unis durant longtemps, on trouve désormais du «wokisme» local, bio et doux pour l’environnement.
Alors oui, il faut aimer les conversations un peu épicées. Est-ce que le fait de ne plus pouvoir appeler son copain noir «Bamboula», c’est enfreindre la liberté d’expression? Est-ce qu’on la met encore, cette main langoureuse sur la nuque de la serveuse (oui, le recyclage est autorisé, voire encouragé)?
Comme le décortique «Philosophie magazine», le mot «woke», tendance qui vise à faire prendre conscience des inégalités raciales, de genre, sociétales ou climatiques, est devenu fourre-tout sémantique, éloigné désormais des principes de «déconstruction» du philosophe Jacques Derrida, et de Heidegger avant lui.
Et la chinoise, alors?
Mais bon, on ne va pas plomber l’ambiance avec des trucs posés et réfléchis. Déjà que le chapon végane guette à la porte, et que la fondue chinoise risque bien, après la pandémie au pangolin, d’être «cancellée» au profit d’un terme moins stigmatisant.
Ah, en dessert, pourquoi pas #boycott, désigné mot romand de l’année par des Zurichois, et vite oublié vu les cartons d’audience du Mondial. Le tout accompagné d’une bûche de Noël déconstruite en forme de vulve. On en profiterait pour expliquer l’art de la jouissance aux jeunes, devant grand-papa, ce #boomer, en train de s’étouffer.
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La rédaction – Vous reprendrez bien un peu de wokisme avec votre dinde?
Notre époque permet de s’écharper à coups d’expressions toutes faites. Pour le repas de Noël, je vous propose mon menu disputes à base de hashtags.