Troinex, 16 mars

Au hasard de mes souvenirs en lien avec l’actualité… 1960: j’avais 17 ans, en apprentissage d’employé de commerce dans une entreprise horlogère fabriquant des ressorts. Mon chef me charge de faire de la place dans le local des archives de la société, les instructions sont claires: tout ce qui est plus vieux que dix ans doit disparaître dans «un feu de joie» que j’allumerai dans le jardin situé devant la fabrique.

Lors du tri je tombe par hasard sur toute une série de classeurs qui m’interpelle: ils contiennent des documents relatifs à une production significative de ressorts industriels pour des ogives d’obus de DCA. Livraison à Tavaro Genève pour équiper les pièces produites par cette entreprise. Tout cela est en règle, il y a le sceau officiel des autorités fédérales. Destination: la Suède. On peut logiquement se poser la question: quelle était la destination finale de ce matériel Réexportation vers l’Allemagne exclusivement? Ou bien la Suède, pays neutre, se chargeait de réexporter également vers les pays alliés? Une question sans réponse.

Autre témoignage indirect: j’étais un gamin de 12 ou 13 ans. Un jour ma mère me parle d’une entreprise des montagnes neuchâteloises (qui existe toujours d’ailleurs). Pendant la guerre, le patron de cette société avait réuni tout le personnel de son entreprise. Il s’exprima ainsi: «On va travailler pour les Allemands, ainsi vous ne serez pas au chômage».

C’est une évidence! Pendant la guerre, l’industrie de l’armement a exporté pour occuper la main-d’œuvre.

Aujourd’hui la Suisse continue d’exporter du matériel de guerre de toutes sortes, une partie non négligeable à destination d’au moins un pays impliqué dans la guerre civile du Yémen. Vous avez dit neutralité?

Jean-François Grau

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