Prix d’architecture (9/10)Vivre avec les éléments dans une tour en verre
Œuvre du bureau de renom Lacaton & Vassal, la tour Opale, avec ses 20 étages à Chêne-Bourg, préfigure une architecture genevoise qui assume la verticalité.

On le sait, les projets de tours d’habitation, osant s’affirmer dans la ville, font couler beaucoup d’encre à Genève. Là, il ne s’agit pas d’un gratte-ciel, mais tout de même. Avec ses 20 étages et 60 mètres de haut, la tour Opale, partie prenante du nouveau quartier en train de se dessiner à Chêne-Bourg, est d’ores et déjà un bâtiment repère. Car il pose les jalons d’une tendance: ces prochaines années, sur un territoire étroit où le mètre carré vaut de l’or, où l’on cherche à densifier les zones urbaines, Genève verra sans doute son architecture se verticaliser.
Mal nécessaire ou opportunité? La tour Opale démontre en tout cas que le territoire genevois a les moyens d’accueillir des concepts d’habitation dotés d’une signature forte. Les Français Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, architectes de renom, primés cette année par la plus haute distinction en architecture – le prix Pritzker –, avaient remporté le concours international lancé pour le projet de Chêne-Bourg. «L’ambition était de densifier le tissus urbain existant tout en réalisant un édifice marquant de son empreinte le nouveau quartier qui est en train d’émerger à Chêne-Bourg autour de la gare du Léman Express et de la Voie verte. Une sorte de ville nouvelle qui facilite l’accès au réseau de mobilité douce, aux services et aux commerces», explique Alexandre Boireau, qui a dirigé le projet chez CFF Immobilier, le maître d’ouvrage.


Un droit à la lumière
Il faut un peu se projeter pour percevoir cette ville naissante, car pour l’heure le quartier est encore un vaste chantier, avec des immeubles en cours de construction. Mais la tour elle-même, achevée en 2020, est à l’image de cet objectif de facilitation urbaine: elle comporte commerces et services au rez et sa mezzanine (restaurant, fitness), 5 étages d’activités mixtes (bureaux, centre médical, clinique dentaire), puis 14 étages de logements qui filent vers le ciel.
Les façades, qui apparaissent comme des rectangles répétés de verre, donnent à l’édifice un caractère brut, tourné vers le fonctionnel. Il s’agit ici d’offrir un maximum d’espaces aux habitants, la tour occupant d’ailleurs la surface maximale autorisée par le PLQ.

On qualifie volontiers Lacaton & Vassal d’architectes humanistes. Dans leur approche, les habitants d’un locatif, même à forte densité – ici six à sept appartements par étage – doivent pouvoir bénéficier d’un confort qui rappelle celui d’une maison individuelle. «La qualité de l’espace d’habitation, sa générosité, le confort, sont déterminants pour une qualité de vie urbaine, souligne Anne Lacaton. Cela veut dire de la lumière, des vues, un espace extérieur qui permet de sortir, bouger, agrandir son espace de vie et d’usage et d’entretenir une relation simple et naturelle avec le climat.» L’approche de la construction se définit comme bioclimatique: «Elle met en œuvre des dispositifs simples, ventilation naturelle, ombrages, rideaux, apports solaires, manipulés et gérés par l’habitant. Ce sont des principes essentiels, que nous appliquons à tous les projets d’habitation et qui se retrouvent à l’origine de la conception de la tour Opale», précise l’architecte.

Être acteur de son espace
Montons au 16e étage, pour visiter un 4 pièces traversant. De l’intérieur, le jeu de vitrages donne d’emblée du caractère à un lieu de vie qui semble se projeter vers l’extérieur. On vit dans le ciel! Vue imprenable, loin à la ronde, sur la campagne franco-genevoise. De là-haut, le territoire semble d’ailleurs plus vallonné qu’il n’y paraît au sol.
Le salon et la cuisine ouverte se prolongent grâce à un jardin d’hiver inséré entre des panneaux en verre coulissants, allant du sol au plafond. Ces panneaux sont modulables à la fois côté intérieur et extérieur, tandis qu’un troisième vitrage extérieur, à mi-hauteur, sécurise cette pièce de verre. Cette configuration permet au locataire de modeler à sa guise cette attirante pièce vitrée, qui devient balcon aéré en été, jardin d’hiver à la saison froide, avec des apports solaires qui favorisent les économies d’énergie. Ici, point de store électrique ou autre gadget du genre: les rideaux pare-soleil et thermiques se tirent à la main, car l’architecte veut inviter pleinement les habitants à modeler leur confort, à agir sur les pièces. Côté chambres à coucher, on retrouve ce même jardin d’hiver, mais sur un espace plus étroit.

Pour un 4 pièces, dans cette tour aux loyers libres, il faut compter près de 2500 francs avec les charges au 6e étage, 3000 au 12e, près de 3800 pour le 19e. Pas donné, le confort modulable? «On se situe dans les prix du marché libre genevois, note Alexandre Boireau. La tour Opale offre une gamme de logements jusqu’ici peu présente dans la commune.» À ce jour, neuf appartements sont encore disponibles.
Cette opération est réalisée en partenariat avec le Département du territoire.
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