«Vitol reste attaché à Genève»
Le géant du négoce pétrolier dément faire ses cartons. Ses dirigeants restent cois sur l'enquête entourant le commerce du brut vénézuélien.

«Nous n'avons pas besoin d'être en Suisse pour nos affaires.» Relayée par L'Agefi, la phrase avait fait du bruit il y a quatre mois. Vitol, le plus grand négociant de pétrole au monde, dont les «traders» ont orchestré en 2016 des ventes annuelles de 157 milliards de dollars – deux fois celles enregistrées par le groupe français Carrefour, un autre commerçant – se serait lassé du Léman. Vrai? Le point avec son directeur général à Genève, Gérard Delsad. Ce dernier était présent avec David Fransen – qui, passé à la présidence de l'entité helvétique, lui confie la barre depuis un an – au FT Commodities Global Summit, qui se tient depuis le début de la semaine au Beau-Rivage lausannois. Employant 185 personnes à Genève, le groupe, présent dans 40 pays, voit son capital réparti entre 350 de ses cadres.
Depuis plusieurs mois, vos propos résonnent comme une menace à Genève. Vous songez à préparez vos cartons?
Gérard Delsad : Je ne parlerai pas de menace. Bien sûr, il y a toujours un risque que nous soyons forcés de relocaliser hors de Suisse. Pour l'instant, ce n'est pas d'actualité. Vitol reste attaché à Genève - nous y avons renouvelé le bail de nos bureaux pour dix ans. En dépit des problèmes récurrents - ce que coûte cette implantation notamment. Et malgré le fait que Singapour fasse tout pour nous attirer, ou que les États-Unis, où nous réalisons une bonne partie de notre activité, aient sabré leurs taux d'imposition.
«Nous pouvons vivre avec la deuxième mouture de la réforme fiscale envisagée à Genève»
Les impôts, parlons-en. La réforme de la fiscalité des entreprises qui se dessine à Genève, OK pour vous?
David Fransen: Nous avons rencontré récemment (ndlr: le conseiller d'État) Pierre Maudet pour lui faire part de notre soutien à cette deuxième mouture de la réforme. Nous pouvons vivre avec, même si cela veut dire que nous allons payer plus d'impôts. Cela reste acceptable – nous voulons simplement en payer le niveau approprié, sans matraquage.
Restons en Suisse. L'initiative sur «les multinationales responsables»… C'est un «no go» pour vous?
David Fransen: Nous ne pouvions souscrire au texte initial, qui prévoyait de nous faire encourir des poursuites pour tout acte dénoncé hors des frontières de la Suisse – un cadre encore plus contraignant que celui imposé par les règles internationales, y compris celles en vigueur aux États-Unis. Si le texte s'avère en phase avec le contre-projet soutenu par le Conseil fédéral, nous pourrions l'accepter. Nous continuons de participer, avec la STSA (ndlr: le lobby du secteur, présidé par David Fransen), aux groupes de travail fédéraux sur le sujet et attendons les résultats de la consultation.
Quid des exigences des ONG exhortant à une transparence complète sur les cargaisons achetées aux États pétroliers?
David Fransen: Nous participons aux groupes de travail mis en place par l'EITI (ndlr: organisation internationale qui a réussi à introduire une série de contrôles sur les versements aux États dans le secteur minier). On ne peut pas dupliquer au négoce, brut de fonderie, les principes en place dans le secteur de l'extraction. Cela posé, un système de surveillance des transactions réalisées avec les États pétroliers est testé dans plusieurs pays, notamment dans une Afrique qui a bien changé. Nous avons présenté ces avancées à des parlementaires helvétiques la semaine dernière encore. L'important, à nos yeux, reste que la motivation première de ce système de contrôle soit la lutte contre la corruption, pas le désossement en public, par principe, de chaque transaction que nous menons. Ce n'est qu'un premier pas car cela ne résoudra pas la question de savoir, in fine, où va l'argent reçu pour ces cargaisons.
«Nous ne sommes pas en mesure d'évoquer cette affaire vénézuélienne à ce stade»
Passons au dossier brûlant. Vitol est actuellement cité dans une plainte en justice - civile aux États-Unis, pénale à Genève - en raison de soupçons entourant un système tentaculaire de corruption et de piratage informatique qui aurait permis à plusieurs géants négociants suisses d'acheter du brut au géant étatique vénézuélien PDVSA, à des conditions défiant toute concurrence. Étalé sur une décennie, ce commerce opaque aurait totalisé 40 milliards de dollars. Vous coopérez à l'enquête?
Gérard Delsad: Nous ne sommes pas en mesure d'évoquer cette affaire à ce stade de la procédure judiciaire.
Votre homologue Mercuria a fait part hier d'une envolée de 50% de ses bénéfices en 2017. Qu'en est-il de votre côté?
Gérard Delsad: Nous ferons le point ces prochaines semaines. En 2017, il n'a pas été évident de naviguer sur un marché pétrolier sur lequel les conditions ont été difficiles - ce que vous diront la plupart des représentants du secteur réunis depuis quarante-huit heures à Lausanne. Nos volumes d'hydrocarbures traités ont été comparables à ceux de l'année précédente. Et nous n'avons pas été aidés d'un effet de comparaison avec 2016 - cette année-là nous ayant été favorable.
Vous vous séparez d'une partie du conglomérat que vous aviez créé en 2012 après le rachat de la dernière raffinerie suisse, celle de Cressier (NE)? Vous abandonnez le projet à d'autres mains, moins expérimentées?
David Fransen: Non, nous restons actionnaires du groupe et nous soutiendrons son expansion. Nous continuerons également de fournir le pétrole brut dont ces raffineries ont besoin.
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