Mais quel est donc son crime? Depuis quinze jours, la conseillère d’État vaudoise Valérie Dittli, âgée de 31 ans, fait l’objet d’une couverture médiatique digne des plus grosses affaires de ce pays. Les révélations de la RTS dans l’émission «Forum» du 3 mars dernier sur un supposé «tourisme fiscal» de la nouvelle ministre des Finances ont déclenché une polémique fiévreuse qui a instantanément pris une dimension nationale. Très exactement douze jours plus tard, on recense près de 1000 articles mentionnant Valérie Dittli dans les médias romands. La presse alémanique suit de près avec 850 articles. À titre de comparaison, Pascal Broulis, le prédécesseur de Valérie Dittli, empêtré dans une semblable affaire dont il est ressorti blanchi, n’a eu droit qu’à 58 articles en Suisse romande et 33 outre-Sarine dans le même espace-temps.
La gravité des faits reprochés peine à justifier ce tsunami de Lausanne à Romanshorn. Selon les médias, l’ancienne doctorante à l’Université de Lausanne aurait au mieux économisé entre 9000 et 20’000 francs sur plusieurs années en déclarant, par période, son revenu (4500 fr. par mois) à Zoug plutôt qu’à Lausanne. Gênant certes. Mais reste à vérifier si c’est illégal. L’expert mandaté par le Conseil d’État s’en charge.
La détestation de Valérie Dittli est d’abord politique. La gauche vaudoise, à l’évidence, n’a pas digéré sa défaite de 2022 qui a fait basculer la majorité du gouvernement à droite. Or c’est bien cette quasi inconnue, doctorante en droit à l’Université de Lausanne, débarquée de l’autre bout de la Suisse, qui a ravi un siège aux socialistes. Deux éléments furent cruciaux dans son succès: sa jeunesse, 30 ans, qui apportait à la campagne ce bol d’air frais dans un monde d’éléphants, et la liste unie de droite sans laquelle la candidate du Centre, parti même pas représenté au Grand Conseil, n’aurait eu aucune chance. Humiliation totale pour la gauche, en particulier pour les (jeunes) socialistes. Toutes autres affaires cessantes, ses élus au parlement ont multiplié, parfois en ricanant, motions et autres interpellations. Aucune retenue et un grotesque appel à la démission.
«Noyée dans ses nouvelles tâches, elle n’en est que plus vulnérable.»
Valérie Dittli constitue la cible idéale pour se laver de la défaite de l’année dernière, cela alors que démarre la campagne pour les élections fédérales. Elle est politiquement inexpérimentée avec pour seul fait d’armes la purge des caciques habilement menée au sein du Centre qu’elle a présidé. Noyée dans ses nouvelles tâches, elle n’en est que plus vulnérable. Au lendemain du premier week-end de crise, sur les ondes de la radio, elle envisageait même de se retirer. «Si les gens qui m’ont élue le souhaitent, je démissionnerai», a-t-elle lâché, tremblante. Jamais politicien aguerri n’aurait publiquement envisagé cela sur la base d’un dossier à charge aussi mince.
Si la cible Dittli est idéale, c’est aussi parce qu’elle est isolée. La Zougoise manque cruellement d’une garde rapprochée, comme l’a souligné le rédacteur en chef de «24 heures». Aussi fraîchement débarquée, comment aurait-elle pu constituer une équipe capable de faire rempart? Quant à son parti, il refuse de se mouiller pour elle, sous prétexte qu’il a toute confiance en ses capacités à se défendre par ses propres moyens, comme l’a déclaré le fuyant vice-président du Centre, Vincent Maitre. Dans ces circonstances, ferrailler sur la «jeunette» ne coûte rien. Feu à volonté.
Reste le volet médias de cette affaire politico-médiatique. En font-ils trop, pris dans une spirale de surenchère? Sans doute. Mais tout dans l’histoire Dittli est extraordinaire, depuis le début. Son élection en Vaud puis celle de sa sœur au gouvernement zougois. Elles ont adoré jouer les wonder sisters à la une de la presse nationale. Aujourd’hui, la cadette le paye cher, un peu trop!
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Chronique – Valérie Dittli, la cible parfaite