ThéâtreValentin Rossier joue un huis clos d’Harold Pinter au parc Trembley
«Trahisons» se donne jusqu’au 5 septembre sous un chapiteau blanc avant de migrer début 2022 au Crève-Cœur de Cologny.

Quand on arrive dans le parc Trembley, la vedette, c’est le champignon blanc qui accueille la Scène Vagabonde. Poussé parmi les arbres magnifiques de cette terre du Petit-Saconnex, ce lieu de spectacle éphémère propose quatre séries de spectacles jusqu’au 24 septembre. La deuxième, «Trahisons» d’Harold Pinter, a commencé jeudi.
Un mot sur ce parc descendant en pente douce vers la ville, pourvu de pelouses immenses sur lesquelles le soleil joue généreusement en attendant l’heure de la représentation. Il vaut la peine de venir un moment avant, pour siroter quelque chose à la buvette baptisée Wunderbar, en contemplant ce paysage apaisant.
C’est en 1933 que la Ville de Genève décide d’acquérir ce qu’on appelle encore à cette époque la campagne Trembley. La famille de ce nom en était propriétaire depuis le XVIIIe siècle. Le prix de 1’100’000 fr. pour un aussi vaste domaine et ses bâtiments (aujourd’hui Résidence «Les Tilleuls») paraît évidemment dérisoire 88 ans plus tard. Lors des débats, un conseiller administratif insista pour que les arbres du parc ne soient pas «goudronnés», comme cela s’était fait ailleurs.
Pas de goudron, donc, aux abords de la Scène Vagabonde, même si l’action de «Trahisons» se déroule dans un cadre urbain. Harold Pinter situe ce huis clos dans des lieux fermés, bar et studio situés à Londres, où les personnages joués par la comédienne Camille Figuereo et ses partenaires Valentin Rossier et Mauro Bellucci échangent les courtes répliques souvent drôles de cette pièce à trois personnages.
D’illustres devanciers
Ils ont dans cette version en français d’illustres devanciers depuis 1982: Caroline Cellier, Marthe Keller et Marianne Basler dans le rôle d’Emma, André Dussollier et Sami Frey dans les rôles de Jerry et Robert. En anglais, la pièce a été créée en 1978 au Royal National Theatre de Londres. Son adaptation au cinéma par David Hugh Jones, «Betrayal» (1983), est jouée par Patricia Hodge, Jeremy Irons et Ben Kingsley.
Ambiance lounge, peu de lumière, de grands fauteuils et des verres pleins, voilà pour le décor et le climat de «Trahisons» sous le chapiteau blanc. Valentin Rossier semble faire partie des meubles, toujours élégant mais froissé comme il convient, l’air d’un séducteur un brin fatigué. Camille Figuereo lui tient la dragée haute, dans une robe moulante vintage en dentelle violette. La révélation qu’elle fait à Jerry de l’air de n’y pas toucher renverse les certitudes de l’ex-amant aguerri. Ils sont bien tous les deux dans ces rôles-là. Mauro Bellucci les rejoint en mari trompé qui n’en fait pas une maladie.
Le trio fonctionne; les répliques de Pinter font mouche, malgré la difficulté qu’il y a à insuffler du rythme et à donner du corps à ce théâtre de la petite phrase, dont les rouages n’actionnent pas le moindre effet théâtral. On est loin du boulevard, même si la matière de base est la même: le trio amoureux vieux comme le monde. «Trahisons» sera repris l’hiver qui vient au Théâtre du Crève-Cœur à Cologny, dont la petite salle est mieux adaptée au ton intime choisi par les comédiens, garant de l’aspect naturel de leurs échanges, mais qui, au parc Trembley, les avions aidant, empêche souvent les mots de se faire entendre dans tous les rangs.
«Trahisons» au parc Trembley jusqu’au 5 septembre. www.scenevagabonde.ch
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