«Le temps est père de la vérité», disait Rabelais. Le Genevois Pierre Krähenbühl est en train d’en faire l’expérience directe.
Rappel des faits: voici un peu plus d’une année, il s’est vu contraint de démissionner de son poste de commissaire général de l’UNRWA, l’Office des réfugiés palestiniens au Proche-Orient, suite à des accusations de mauvaise gestion, d’abus d’autorité et d’une liaison avec sa conseillère principale. Face à un dossier à charge surmédiatisé, il n’a jamais cessé de contester les faits allégués.
La semaine dernière, un reportage fouillé de «Temps présent» est revenu sur cette affaire, en révélant au grand jour les conclusions du dernier rapport des enquêteurs de l’ONU, qui n’ont trouvé aucune preuve sérieuse à son encontre («TdG» du 19-20 décembre).Ce constat n’est en soi pas une surprise, tant cette affaire sentait le coup monté dès le premier jour. Un coup portant la patte d’un Donald Trump en rupture avec la légalité internationale et s’inscrivant dans une stratégie globale visant à faire de Jérusalem la capitale d’Israël et surtout à réduire à néant l’établissement d’un État palestinien.
L’offensive américaine a été délibérément calibrée afin de miner l’UNRWA en s’attaquant à son chef, un diplomate chevronné, qui tout au long de la partie a fait preuve de courage, de détermination et d’engagement.
Premier exemple: alors qu’il était interpellé par le Conseil de sécurité de l’ONU, Pierre Krähenbühl n’a pas hésité à renvoyer les représentants américains et israéliens à leurs responsabilités dans le règlement du conflit israélo-arabe.
Deuxième exemple: sa réussite, à l’issue d’efforts incessants auprès de donateurs du monde entier, à faire combler le déficit budgétaire résultant du soudain retrait américain de 300 millions de dollars en 2019. Cette incroyable «remontada» financière lui a sans doute valu son pesant d’inimitié.
Mais encore plus surprenant est le rôle de la Suisse dans cette affaire. Son diplomate en chef, Ignazio Cassis, a cru bon de s’aligner sur Washington. En répétant son mantra favori d’alors, à savoir que l’UNRWA «fait partie du problème israélo-palestinien plutôt que de la solution». Et en lâchant du même coup Pierre Krähenbühl. Dès lors, ce dernier s’est retrouvé dans la grande solitude de l’accusé, calomnié et sali par la rumeur, sans parler de sa famille. Avec à la clef des dégâts incommensurables, ne serait-ce que sur le plan professionnel.
Lorsque l’on apprend qu’à l’été 2020, le département d’Ignazio Cassis a reçu une copie du rapport d’enquête de l’ONU, on se dit que la vérité finirait enfin par éclater. Eh bien non, le rapport est resté secret. Par conséquent, le soupçon continue à peser sur le principal intéressé. […]
Maintenant que les conclusions du rapport rétablissant la vérité existent, il serait grand temps que notre gouvernement en fasse état. Quitte à reconnaître avec courage certaines erreurs d’appréciation. Il y va de l’honneur et de la crédibilité de la Suisse.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
L’invité de la rédaction – UNRWA, salir et blanchir