Théâtre à cinquanteUne pièce gigogne met les petites ondes dans les grandes
Au Théâtre du Loup, qui garde la gueule ouverte, la compagnie L’Homme de dos fait bruisser la nature humaine telle qu’elle traverse le temps. Un petit bijou, «D’après» l’auteur norvégien Knut Hamsun.

Une sacrée aubaine que nos salles plus étriquées, elles au moins, aient la capacité de s’adapter aux nouvelles règles sanitaires! Car il se trouve, allez savoir par quel hasard, que ce début de saison 2020 aligne les joyaux comme rarement. Parmi les feuilletons itinérants ou les «Cerisaie» déambulatoires, arrêtons-nous donc sur cette réhabilitation du théâtre radiophonique des années 40, «D’après», si délicatement sertie, au Loup, par Adrien Barazzone et Barbara Schlittler.
Outre le méticuleux travail des co-metteurs en scène, on commencera par saluer la prouesse des quatre comédiens – pusillanime David Gobet, bridée Marion Chabloz, exubérante Mélanie Foulon et patelin Alain Borek –, qui se disputent le micro sur pied érigé sur sa moquette rose. Ils campent avec ô combien d’élasticité un quatuor d’acteurs embauché par la station Radio-Genève en pleine Seconde Guerre mondiale, pour y jouer à l’antenne l’adaptation d’un roman du Prix Nobel norvégien Knut Hamsun, écrit à l’aube du siècle. Quand on ne suit pas Bertin, Renée, Arlette et Maurice dans leurs tribulations marquées par la menace nazie, ils sont, au deuxième étage de la fiction, les Benoni, Rosa et Nikolaï et le narrateur d’un drame amoureux marqué, lui, par l’austérité protestante, façon nordique.
Les va-et-vient se multiplient entre les couches et les époques, auxquelles font subtilement écho la nôtre et ses phobies propres. Une pincée de nostalgie saupoudre le mille-feuille – causant quelques langueurs çà et là –, mais séduit surtout, de la part des orchestrateurs comme des interprètes, l’assentiment à une nature humaine intemporelle. Toutes ces vénalités, ces hypocrisies ou ces lâchetés qui nous accompagnent comme nos ombres, et que la compagnie L’Homme de dos épelle avec grâce. D’un côté du plateau sinon vide, des marches d’escalier ne menant nulle part. De l’autre, une grotte ne recelant que son mystère. Pour applaudir tant de profondeur enrobée de malice, il y avait salle comble jeudi soir: pas moins de 50 spectateurs emballés.
«D’après» Théâtre du Loup, jusqu’au 8 nov., www.theatreduloup.ch
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