20 ans du 11 SeptembreUne photo de Une pour mettre en avant le drame humain
Parmi la multitude de photos qui aurait pu finir sur la première page du journal, la «Tribune de Genève» a privilégié des visages aux tours jumelles. La rédactrice photo Ester Paredes revient sur ce choix.

Le 11 septembre 2001, Ester Paredes occupe le poste de rédactrice photo à la «Tribune de Genève». Présente en rédaction ce jour-là, elle se souvient de l’«effervescence incroyable» dans les locaux, couplée à une certaine «incrédulité» au regard des images qui passent en boucle sur les écrans de télé à disposition. Un événement «terrible» et «unique», insiste la principale intéressée. Un drame historique sans aucun équivalent dans sa carrière.

«Très vite, après le choc de la collision, les images de personnes hagardes ou paniquées avaient quelque chose de très fort.»
Vingt ans ont passé depuis et nous lui proposons de redécouvrir la une qu’elle a participé à monter à l’époque. «Guerre contre les USA» peut-on lire en grand, au sommet de la page. Juste en dessous, une seule et large photo est proposée au lecteur. Dessus, en premier plan, des hommes en chemise blanche semblent courir pour leur vie, alors que derrière, un épais nuage grisâtre laisse imaginer le pire. Pas de tours jumelles donc, pas d’avions prêts à s’abattre sur les gratte-ciel new-yorkais non plus.
Un rôle de filtre
«Cette photo, ce n’était peut-être pas le choix le plus attendu, analyse Ester. Mais très vite, après le choc de la collision, les images de personnes hagardes ou paniquées avaient quelque chose de très fort. C’est un drame humain qui se jouait, et l’humain, en photo, est souvent bien plus parlant.»
Rétrospectivement, Ester se dit «fière» de cette une. «Très vite, les agences ont bombardé. Il a fallu trancher au milieu d’une avalanche d’images à vous faire tourner la tête. En tant que rédactrice photo, on voit passer beaucoup de choses et on joue le rôle de filtre pour le lecteur. On en sort parfois secouée. C’était évidemment le cas le 11 Septembre.»
Un puzzle d’images
On tourne les pages et les tours jumelles apparaissent. Sur les photos, elles sont encore debout, bien qu’en proie aux flammes. Au milieu des différentes images, le visage désormais célèbre de ce pompier new-yorkais blanchi par la poussière remet l’humain au centre du récit.

«Le 11 septembre, nous avons consacré vingt-quatre pages à cet attentat, insiste Ester. Il fallait réussir à construire une narration visuelle qui fasse état du déroulé de cette dramatique journée sans être redondante. À l’époque, on imprimait les photos puis on les alignait sur une table afin de visualiser le puzzle qui s’offrait à nous.»
«Tous les proches qui nous appelaient dans l’espoir d’en apprendre plus ou tout simplement pour en parler.»
Au moment de conclure, Ester insiste sur «l’intensité» d’une journée décidément pas comme les autres: «Il y avait d’un côté le boulot, et de l’autre tous les proches qui nous appelaient dans l’espoir d’en apprendre plus ou tout simplement pour en parler. Pour beaucoup de gens, le monde s’est presque arrêté le temps d’une journée. Mais pour nous, évidemment, il en a été bien autrement.»
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