Concerts à GenèveUne orgie de piano jazz avec le festival de l’AMR
De Rome, Rita Marcotulli. De Tokyo, Aki Takase. De Slovénie, Gregor Fticar… Tant de pianistes à entendre du 15 au 19 mars, ainsi encore de la Genevoise Margaux Oswald.

Un demi-siècle de musiques improvisées en terres genevoises. Une 42e édition pour son festival orienté jazz tous azimuts. En mars 2023, l’AMR prend une grande inspiration. La nouvelle génération est déjà bien implantée, qui siège au comité et fait chauffer les ateliers. De la cave au grenier, en passant par la grande salle de concert au 1er, la maison mère de tous les jazzmen et women de la cité est prête pour la fête.
Du 15 au 19 mars, la fameuse adresse du 10 rue des Alpes, occupée depuis 1981, accueille cinq soirées d’affilée, deux concerts par jour, trois le dimanche 3. Ici, la tradition locale suit dans la plupart des cas un précepte aussi vieux que la manifestation: chaque soir en première partie, l’équipe de programmateurs propose une formation locale, suivie de la vedette incontestable.
Particularité cette année: la présence dominante des pianistes, hommes et femmes en quantité égale. À commencer par l’excellent Gregor Fticar, brillant soliste slovène formé en Autriche (écouter à cet égard son album «Solo» en 2017). C’est en quintet que Fticar ouvre les festivités, mercredi 15 mars. Un jeu lumineux, une clarté de son à se pâmer d’extase, c’est le lot de ce jeune musicien de 38 ans, menant carrière depuis les années 2000 entre la Slovénie, l’Allemagne et la Suisse.
Voir ensuite ce que d’aucun, en Suisse justement, considère comme un génie de la ponctuation musicale. Si le Zurichois Nick Bärtsch n’a de cesse de promouvoir sa pratique zen, ou de l’aïkido, c’est selon, comme le moteur de son art, le dernier effort studio mené par le dit «bonze» du jazz mérite mieux qu’une mention lapidaire au registre du New Age revisité: «Ronin», outre le titre assez pompeux, tricote en trio de jolies idées rythmiques.

Préférence peut être donnée, jeudi 16 mars cette fois, à cette grande dame du jazz transalpin, Rita Marcotulli, 64 ans, qui, de Rome, distille aux quatre coins de l’Europe ses mélodies d’une finesse et d’une rondeur à la fois solaires et caressantes, mais autrement plus piquantes pour qui s’approche de plus près. Un batteur, un contrebassiste, voilà le bagage léger avec lequel Marcotulli voyage dans des contrées on ne plus peut plus oniriques.
Voir alors le train étonnant qu’a choisi de prendre Margaux Oswald, samedi 18 mars. Elle aussi est pianiste. Origines françaises et philippines, naissance à Genève. Oswald a travaillé son style en fréquentant assidûment, hé bien, l’AMR évidemment. Avant de s’installer à Copenhague. Son style, alors: on écoute «Dysphotic Zone», son premier enregistrement paru en septembre 2022.
Une évocation des abysses océaniques, une plongée solitaire souvent déroutante, terrible aussi, recherche de timbres, d’ambiances, plus proche de l’expérimentation que du jazz à proprement parler. Après cette descente, qu’on attend aussi inquiétante que fascinante, la remontée se fait en un coup, grâce au Supersonic Orchestra de Gard Nilssen, un brass band pétaradant à souhait.
Clou de cette édition, l’invité du dernier soir fera à n’en pas douter une belle bougie de 50 ans pour l’AMR. Aki Takase, 75 ans, monstre de la scène nippone, aujourd’hui établie à Berlin où la pianiste se goinfre de sonorités disparates, en compagnie de la fine fleur des jazzmen nationaux. À voir de près dimanche 19 mars, sur le parquet lustré du Sud des Alpes. Aki Takase, dont l’art constitue une immense explosion stylistique, un maelström traversé de contemporain, de classique, de be-bop et allez savoir quoi encore. Ainsi de son dernier album en date, «Carmen Rhapsody» en 2023, une relecture iconoclaste de l’opéra de Bizet. Énorme!
42e AMR Jazz Festival, du 15 au 19 mars, Sud des Alpes.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.