Une nouvelle revue se voue à la photo
Pilotée par des universitaires romands, «Transbordeur» se penche avec érudition sur l'histoire et les rôles du médium.

C'est le nom d'un pont, inauguré à Marseille en 1905. Destiné à faire traverser le Vieux-Port aux piétons dans une nacelle sans perturber le trafic maritime, le Transbordeur est devenu, dans les années 20, un objet emblématique d'expérimentation pour les photographes de l'avant-garde. Parce que l'ouvrage constituait un motif novateur – on immortalisait peu le patrimoine industriel à l'époque – et parce qu'il offrait, lorsqu'on l'empruntait, une vision nouvelle sur le monde.
Corpus de textes savants
Le pont n'est plus. Mais il figure comme une promesse sur la couverture d'une nouvelle revue qui lui emprunte son titre. Consacrée à l'histoire de la photographie, Transbordeur a été collectivement mûrie par un groupe de chercheurs des Universités de Genève (UNIGE) et Lausanne (UNIL). Publié à 2000 exemplaires aux Editions Macula, le premier numéro sera distribué dès demain dans toutes les bonnes librairies.
D'une épaisseur considérable (236 pages), richement illustré et doté d'un corpus de textes savants, l'objet relève davantage du beau livre que du magazine ordinaire. Il se distingue également par une périodicité plutôt rare, puisqu'il paraîtra une fois l'an. Toutefois, la vraie singularité de Transbordeur réside dans son caractère interdisciplinaire: son propos décloisonne l'histoire de l'art pour penser le rôle social, politique, scientifique ou économique de la photographie, en questionnant aussi bien le contenu des images que leur matérialité.
«Nous voulions étendre notre vision, explique Estelle Sohier, chargée de cours au Département de géographie de l'UNIGE. L'ambition était de dépasser la photo comme œuvre d'art en faisant appel à d'autres disciplines, comme les sciences sociales.» La chercheuse a codirigé, avec Olivier Lugon, professeur à l'UNIL, et Anne Lacoste, conservatrice des expositions du Musée de l'Elysée à Lausanne, le dossier inaugural traitant des «Musées de photographies documentaires».
Formidable héritage genevois
Un sujet qui s'imposait, face à l'intense flot de clichés qui déferle aujourd'hui dans notre quotidien, notamment par le biais d'Internet. «Les musées documentaires ont été créés au tournant du XXe siècle pour répondre à l'afflux désordonné d'images provoqué par la démocratisation de la photographie, indique Estelle Sohier. Il y avait, déjà, des problèmes de tri et de stockage. Il est intéressant de voir comment la société s'est organisée.»
Outre la thématique principale, le périodique propose trois autres sections – «collection», «varia» (articles libres) et «lectures». On y découvrira par exemple de passionnantes archives genevoises, dans un chapitre dédié au fonds Boissonnas, acquis à la fin de 2011 par la Ville. Sur quatre générations, la famille d'artistes a laissé un formidable héritage de près de 130 000 négatifs et positifs, actuellement conservés au Centre d'iconographie de la Bibliothèque de Genève.
Regroupant des textes denses et pointus, Transbordeur nécessite certes une lecture attentive. Mais ses attraits esthétiques éveilleront l'intérêt des amateurs de photographie et de beaux livres. Et son ouverture sur les problématiques contemporaines méritera la curiosité de tous ceux qui veulent comprendre le monde à travers son histoire visuelle.
«Transbordeur. Photographie, histoire, société» Revue dirigée par Christian Joschke et Olivier Lugon, Ed. Macula, 236 p. Parution le 9 février. Prix indicatif: 45 fr.
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