Encre bleueUne grue pour des poissons

On croit bien connaître sa ville et savoir tout d’elle, à force de la fréquenter. Et pourtant… Genève parvient encore à nous surprendre. À nous épater, même.
C’est ce que s’est dit un quidam de ma connaissance en traversant l’autre jour le barrage du Seujet et en y découvrant, sidéré, une grue!
Pas l’oiseau échassier, donc. Mais une construction métallique d’une vingtaine de mètres de haut. D’un bleu changeant comme peut l’être parfois le Rhône qui s’écoule presque à ses pieds.
Tiens, se dit-il. Serait-ce possible que l’on construise un nouvel immeuble sur le barrage? Avec des appartements très chics et chers, comme nous en avons le secret? Ou alors une surélévation de l’ouvrage hydraulique? Autrement, à quoi pourrait donc servir pareil engin?
L’homme étant d’un naturel curieux, il découvre un panneau haut perché, placé en retrait d’une palissade de chantier et qui éclaire enfin sa lanterne: la grue, c’est pour les poissons!
Poisson d’avril?
Même pas. Le chantier en cours n’a rien d’une plaisanterie. Ce qui s’entreprend, pour un montant de quelques millions, c’est la rénovation de l’échelle à poissons.
Là devant, notre promeneur s’extasie. Oui, il faut à tout prix aider les espèces aquatiques qui veulent gagner des lieux propices à leur reproduction, si ce qui a été fait à la création du barrage ne leur donne pas satisfaction!
Je lui cède la plume. «Il y a tout lieu de supposer que, faute de pouvoir hélitreuiller les poissons au barrage de Verbois, les candidats à la migration en Léman ne proviennent que du bref tronçon qui va du lac de Peney à la ville. Peu de choses, mais apparemment seize espèces différentes!»
Et plutôt que de continuer à se gausser de la chose, il se lèche les babines à la perspective de ne manger bientôt plus que des filets de perches du Léman. Indirectement grâce à la grue qui érafle le ciel… Oui, mais à quel prix?
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