Festival C’est déjà demainUne Genevoise épingle le milieu de l’art contemporain: boum!
Au Théâtre du Grütli, la performeuse Lamya Moussa raconte les coulisses d’un emploi temporaire pour le plasticien Paul McCarthy.

Parmi les neuf premières œuvres composant le programme de CDD.11, on a pioché un peu au hasard parmi les titres du cru visibles encore cette fin de semaine. Aguichés tant par les photos diffusées que par le titre intrigant de «Thank You, Paul», on tombe sur le solo de l’artiste genevoise Lamya Moussa – déjà connue du public du Théâtre de l’Usine –, présenté jusqu’à dimanche au Grütli.
Au sortir de sa formation à la HEAD, en 2014, la jeune femme a répondu à une annonce recrutant des performeuses pour participer à une exposition parisienne du célèbre plasticien américain Paul McCarthy. Comment, n’est-ce pas, refuser l’opportunité unique de collaborer avec un artiste contemporain controversé, spécialisé dans les sculptures gonflables à connotation scatologique?

Attifées de perruques peroxydées tandis qu’elles doivent mouler des plugs anaux en chocolat (si, si), Lamya et ses camarades ont vite fait de déchanter. Le marché de l’art, en effet, s’avère reposer sur les mêmes mécanismes capitalistes, sexistes et dégradants que n’importe quelle entreprise libérale, la prétention en plus. Révoltée de se voir traitée en potiche, la trentenaire décide de documenter son expérience en vue d’une performance dérivée qu’elle signera de son nom.

Celle-ci prend la forme d’une conférence relatant la mésaventure par le menu, de la gageure bureaucratique à établir un contrat au parcours d’obstacles pour se faire rémunérer. Quoique le récit fournisse l’occasion à la comédienne-vidéaste d’intégrer divers accessoires et supports technologiques, il s’enlise dans le détail d’un témoignage quelque peu anecdotique.
La thèse qui la traverse en filigrane, elle, a de quoi piquer. Brodant sur la coprophilie mccarthyenne, elle soutient que tout artiste n’est autre qu’un enfant bloqué au stade anal décrit par Freud, quand junior offre sa production fécale à sa maman extatique. Paf, d’un coup d’épingle bien visé, voilà la vengeresse stagiaire qui fait péter la baudruche du maître!

Le spectateur curieux de découvrir les autres projets animant notre relève a deux jours devant lui: au Loup, il fera face à l’effondrement écologique («La maison d’en haut»), prendra le strip-tease à rebrousse-poil («Schönheit wird bezahlt») et ranimera une morte («Les aventures de Peer»). À Saint-Gervais, il observera les réactions à un coming out («La révérence»), et à L’Abri-Madeleine, il communiera avec le vivant («Merci pour cette danse»).
«Thank you, Paul» Jusqu’au 30 avril au Théâtre du Grütli, www.grutli.ch
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