Théâtre du GrütliUne fois pour toutes, «Montrer les dents» à la face du patriarcat
Fanny Brunet et Olivia Csiky Trnka règlent son compte au pervers narcissique que des siècles de domination masculine ont façonné. Et elles n’y vont pas de main morte.

Il arrive que les vertus cathartiques du théâtre agissent autant sur ses auteurs que sur ses spectateurs. C’est le cas notamment chaque fois qu’une écriture dite de plateau – c’est-à-dire créée collectivement à partir de témoignages et d’improvisations plutôt que d’un texte préexistant – se fonde sur le vécu de ceux qui la produisent. Un vécu souvent traumatique, qu’il s’agit d’évacuer sur scène, en inventant un exutoire capable d’embarquer le public. Si le mal à éradiquer relève du phénomène de société, alors bingo, l’audience sera d’autant plus captive qu’elle connaîtra déjà la terminologie, la littérature, les spécialistes ou même la culture populaire qui s’en sont fait l’écho.
Mordre les manipulateurs
En l’occurrence, Fanny Brunet et Olivia Csiky Trnka avaient à cœur de régler leurs comptes avec cette catégorie d’individus masculins répertoriés comme «pervers narcissiques». Leur «Montrer les dents» libère visiblement les deux femmes d’un poids – et même le comédien qui les seconde, Mathieu Ziegler. Quant à l’assistance du Grütli, familière de cette figure récurrente dans les discours des psys et des féministes, elle accueille le coup de semonce avec ferveur.

Point de départ du projet, la comédienne Fanny Brunet retombe sur des carnets de notes vieux de vingt ans, où elle avait consigné les affres subies dans le cadre de sa relation amoureuse d’alors avec un manipulateur du nom de Cédric. De la maltraitance endurée, elle entend tirer un spectacle, demande à sa consœur Olivia Csiky Trnka de la mettre en scène et sollicite Mathieu Ziegler pour lui donner la réplique dans cette deuxième création du Collectif Sentimental Crétin (après une comédie sur le thème de la maternité). Au cours de leurs recherches, les jeunes femmes tirent des parallèles avec les relations toxiques établies dans le monde du travail, au sein de la famille ou entre amis.

Au résultat, «Montrer les dents» joue pêle-mêle du didactisme, du spiritisme et du vandalisme pour venir à bout de la violence inhérente à l’emprise. Sur ce ton foufou (fouillis, aussi) qui caractérise ses attachantes signataires, le spectacle alterne entre conférence, épisodes filmés, narration dramatique et interludes dansés et chantés. Au mieux, on dira que ça défoule. Mais on n’est guère plus avancé après qu’avant.
«Montrer les dents» jusqu’au 22 mai au Théâtre du Grütli, www.grutli.ch
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