HistoireUne fabrique qui donne de la couleur à nos toits.
À Bardonnex, une tuilerie exploite un gisement d’argile découvert en 1933. Elle est aujourd’hui fermée.

À quelques centaines de mètres du village de Bardonnex, la campagne genevoise recèle un trésor naturel dans les replis de ses vallonnements. Un important gisement d’argile – car c’est de cela qu’il s’agit – y a été découvert en 1933. Aujourd’hui encore, la Tuilerie de Bardonnex utilise ce gisement pour ses tuiles aux couleurs lumineuses. Son ouverture au grand public lors des Journées européennes du patrimoine a représenté une occasion unique de découvrir un pan peu connu de la culture industrielle de Genève.
Quatre coloris
Parties intégrantes mais discrètes de l’architecture patrimoniale, les tuiles donnent couleur et esthétique aux constructions. Celles de Bardonnex ont pour particularité d’être plates, cannelées ou à l’ancienne et de convenir particulièrement bien aux bâtiments historiques. Leurs quatre coloris, qui répondent aux jolis noms de nuancé rouge, nuancé jaune, nuancé brun et nuancé vieilli, animent les toits d’innombrables bâtiments de la région lémanique, ainsi que d’une centaine de châteaux – dont ceux de Chillon et de Vufflens – et du Collège Calvin.
Dans les siècles passés, la fabrication de tuiles était une activité d’appoint de la paysannerie. Aussi les tuileries artisanales étaient très répandues. En Suisse romande au début du XXe siècle, on en comptait encore plus d’une centaine. Cependant la mécanisation d’une partie de la production – amorcée dès les années 1870 – et l’évolution des matériaux imposeront le regroupement progressif de ces entreprises ou leur disparition. La Tuilerie de Bardonnex est un excellent exemple d’une entreprise qui a su s’adapter au changement.
Exploitation jusqu’en 2070
Découvert en 1933, le gisement de Bardonnex est remarquable par son étendue, qui devrait permettre une exploitation jusque vers 2070. D’excellente qualité, cette argile a d’abord été utilisée par la Tuilerie de Bellevue. Puis en 1946, une usine a été construite à proximité du gisement. La tuilerie, qui appartient alors à la famille Barraud, est vendue en 1953 à l’entreprise Morandi, qui possède déjà plusieurs usines en Suisse romande; c’est là un premier regroupement. En 1974, un incendie ravage plusieurs bâtiments. Une fatalité selon Laurent Vitello, responsable commercial à Bardonnex: «Comme on y joue en permanence avec le feu, les tuileries finissent toutes par brûler un jour ou l’autre. Par chance, nos bâtiments construits en brique ont bien résisté. D’ailleurs, ces bâtiments continuent à être utilisés et sont inscrits depuis quelques années à l’inventaire du patrimoine industriel de la Ville de Genève.»
«Le petit bagne»
L’évolution des méthodes de fabrication et la dure concurrence des nouveaux matériaux imposeront une rationalisation de la production. Ainsi, si au début des années 60, plus de 350 personnes étaient employées dans le «petit bagne» – surnom donné à la Tuilerie de Bardonnex qui reflète bien la pénibilité du travail des ouvriers –, aujourd’hui, la fabrique fonctionne avec le secours d’une vingtaine d’employés seulement. Par ailleurs, les alliances faisant la force, le groupe Morandi passe en 2010 à la Ziegelei Rapperswil Louis Gasser, qui devient Gasser Ceramic en 2013. La Tuilerie de Bardonnex a su toutefois conserver une identité propre grâce au caractère artisanal de ses tuiles, dont les nuances subtiles et uniques sont très prisées pour les toitures des bâtiments historiques.
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