«Quand on faisait, l’écol’ buissonnière, on découvrait mille chemins, qu’on parcourait la main dans la main…» À l’époque de Charles Trenet, les garnements pouvaient quitter la classe «par plaisir» pour jouer en pleine nature et faire d’innocentes bêtises… Sans que leur téléphone ne se mette à vibrer, ou que leur montre ne les géolocalise, révélant le pot aux roses à leurs parents stressés de ne pas les voir rentrer à l’heure…
Notre enquête le montre: de plus en plus de petits Vaudois, dès l’âge de 6 ans, sont équipés de dispositifs permettant à leur famille de voir où ils se trouvent, et de les contacter si nécessaire. Un paradoxe, comme le soulignent les spécialistes du sujet: voilà quarante ans qu’il ne s’est pas produit dans notre pays un «kidnapping» par une personne n’appartenant pas au cercle familial. Et pourtant, les adultes se rongent toujours plus les ongles, craignant le pire pour leur progéniture.
Résultat: des papas accourent au parascolaire au moindre bobo parce que la fonction «SOS» de la montre a été enclenchée, des mamans appellent frénétiquement leur loulou alors qu’il est en plein cours. Et des mamies se paient des insomnies en se demandant ce que diable leur petite-fille adolescente peut bien faire à Genève.
Je suis, moi aussi, une mère angoissée. Loin de moi l’idée de juger mes semblables, terrifiées à l’idée que leur enfant rate son arrêt de train, parle avec des gens malintentionnés ou se perde sur les pistes de ski ou au parc d’attractions. La tentation est grande d’utiliser ces béquilles technologiques pour calmer mes angoisses.
Mais force est de constater que ces réflexes ne sont pas sans conséquence sur la jeunesse, dont une partie rêve désormais plus de soirées Netflix que de partir à l’aventure en van ou à vélo. À force de voir le monde comme une menace et non plus comme un terrain de jeu, nous réduisons probablement l’horizon de nos enfants. Qui, pour vivre leur vie, ont besoin de couper symboliquement le cordon, y compris numérique, avec leurs géniteurs.
Chers gosses, au lieu de claquer la porte de votre chambre en râlant, perdez donc votre montre connectée, annulez la fonction «géolocalisation» de votre portable. Et suivez Charles Trenet: faites l’école buissonnière!
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Éditorial – Une enfance sous surveillance
Équiper son rejeton d’une montre connectée ou d’un traceur GPS ne devrait pas se faire à la légère.