Cité de la musiqueUne alliance hétéroclite s’oppose à un «projet de béton et de verre démesuré»
Le comité opposé au projet lance sa campagne. Il regroupe les Verts, Ensemble à Gauche, mais aussi l’UDC, ainsi que des associations de défense du patrimoine.

Le comité référendaire a choisi, mardi matin, de lancer sa campagne dans les cinémas du Grütli. Une façon de montrer que ses membres ne sont pas réfractaires à tout projet culturel, bien au contraire. «Non à cette Cité de la musique», résume l’affiche dévoilée à cette occasion, une œuvre du dessinateur Buche. Elle désigne l’imposant bâtiment (40 mètres de hauteur, 140 mètres de long) suspendu au-dessus du parc des Feuillantines. Il ne tient qu’à une chaîne qu’agrippe une main pleine de billets.
Tout y est. Le dessin rassemble l’essentiel des griefs des opposants à l’encontre de ce projet «de béton, de verre et d’acier démesuré», comme le qualifie le programmateur artistique Julien Dumarcey. La Cité de la musique doit voir le jour au-dessus des Nations. Elle hébergerait l’Orchestre de la Suisse romande (OSR) et la Haute École de musique (HEM), dont les étudiants sont aujourd’hui dispersés sur sept sites vétustes. Le 13 juin, les habitants de la Ville de Genève diront s’ils acceptent une modification en ce sens du Plan localisé de quartier (PLQ).
«On peut vivre sans»
La conseillère municipale Verte Léonore Baehler rappelle que «130 arbres seront abattus, dont les plus jeunes ont 30 ans et les plus vieux 150 ans». «Leur état de santé est jugé très bon», ajoute-t-elle. «Un désastre sur le plan de la biodiversité» que la forêt replantée (260 arbres) ne compensera pas. La mise à disposition d’un nouveau parc non plus. «Il n’en manque pas dans ce quartier», estime son collègue Philippe de Rougemont.
Une alliance hétéroclite s’est constituée. Elle regroupe les Verts donc, Ensemble à Gauche (EàG), le Parti du travail, mais aussi l’UDC. «C’est une nouvelle aventure de se retrouver avec la gauche», sourit Eric Bertinat. Le conseiller municipal UDC résume le sentiment ambiant: «On peut vivre sans la Cité de la musique.» Genève serait suffisamment dotée en salles de concert, comme en témoigne la «sous-utilisation» du BFM. Faisant référence aux moyens financiers engagés par le camp d’en face, Brigitte Studer, élue d’EàG, observe que ce combat ressemble un peu à «David contre Goliath». Tous les autres partis soutiennent le projet.
Coûts de fonctionnement en question
«Première fois» aussi pour les associations de défense du patrimoine: quatre d’entre elles font front commun. Elles déplorent la destruction de la villa des Feuillantines et de son cadre idyllique. Une étude sollicitée par la Commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS) a jugé que cette maison de maître datant du XIXe siècle avait une valeur «intéressante» – mais pas «exceptionnelle». Isabelle Brunier, membre de la section genevoise de Patrimoine Suisse, remarque qu’en étant employé de l’État, l’expert qui a rédigé le rapport n’est pas entièrement «libre de son jugement».
Si la construction de l’édifice (300 millions de francs) est financée par des mécènes, les coûts de fonctionnement de l’institution ne sont pas entièrement assurés. Fin mars, la Fondation pour la Cité de la musique a fait savoir – sans donner de détails – que les contributions de l’OSR, de la HEM, ainsi que la location de salles suffiront pour financer un budget estimé à 13 millions de francs par an. Les opposants en sont convaincus: les communes devront participer.
«Ce projet va conditionner tout le soutien à la culture des collectivités publiques pour des décennies», redoute Béatrice Graf, présidente de la Fédération genevoise des musiques de création. Or, appuie-t-elle, un «rééquilibrage» entre la musique «classique» (qui draine plus de 80% des subventions) et les musiques «actuelles» est plus que jamais nécessaire.
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