C’était il y a près de quinze ans, un soir de match, à la buvette de mon club de foot. Nous refaisions le monde en prenant l’apéro, contents d’avoir gagné (ou peut-être pas).
En face de moi, un jeune coéquipier m’interpelle alors que je décapsule une autre bière: «Tu vas prendre le volant après ça?» Un peu surpris, je lui réponds que oui, comme d’habitude. Pourquoi ferais-je autrement? Mais la discussion qui a suivi m’a fait réfléchir.
Il me raconte sa situation de jeune conducteur. Détenteur du permis à l’essai depuis peu, il a trois ans pour faire ses preuves. Au premier écart, le retrait de permis guette. Dans ce cas, la phase probatoire est prolongée d’une année. Et s’il commet une nouvelle infraction durant cette période, patatras: son permis est carrément annulé.
«Il semble loin, le temps des têtes brûlées que nous étions à 18 ans et des poussières.»
Bière à la main, je découvre avec stupéfaction les détails de cette sanction ultime. Pour avoir droit à un nouveau permis à l’essai, le fautif devrait patienter au moins un an, se soumettre à une expertise psychologique, puis tout recommencer depuis le début. Cours de premiers secours, examens théorique et pratique, formation complémentaire… Sans oublier les factures qui vont avec.
Ce jour-là, j’ai compris sa méfiance à l’égard du trentenaire insouciant que j’étais, prêt à conduire pour rentrer chez moi au terme d’une soirée arrosée. Sacrée chance d’avoir passé mon «bleu» à une époque où les règles étaient moins strictes…
Cet épisode m’est revenu à l’esprit il y a quelques jours, quand le Conseil fédéral a consenti à desserrer l’étreinte sur les jeunes conductrices et conducteurs. Il propose au parlement d’alléger le cadre légal en vigueur depuis 2005. Seules des infractions d’une certaine gravité pourront entraîner la prolongation de la phase probatoire – et dans un deuxième temps l’annulation du permis à l’essai.
Des infractions légères, telles qu’un excès de vitesse de 16 à 20 km/h dans une localité ou le fait de conduire sous l’influence de l’alcool sans enfreindre d’autres règles de la circulation, n’obligeront plus la personne concernée à tout reprendre à zéro. Voilà qui mettra un peu de baume au cœur des 1335 jeunes qui ont vu leur permis annulé l’an dernier.
Un rythme de sénateur
Comme toujours en Suisse, la réforme se fait à un rythme de sénateur – elle découle d’une motion UDC déposée en 2015. Et les élus fédéraux devront encore la valider. Mais c’est un retour bienvenu à des mesures répressives plus proportionnées.
Ce petit changement de pratique ne remettra pas en question le coup de frein salvateur que Berne a opéré sur les routes. Il semble loin, le temps des têtes brûlées que nous étions à 18 ans et des poussières. Dorénavant, le permis de conduire se gagne au mérite, sur la longueur. C’est tant mieux pour la sécurité routière.
Je vois ça avec un certain soulagement, au moment où mon fils aîné va apprendre à conduire. Je ne manquerai pas de lui raconter la bonne leçon reçue après un match, de la part d’un gars à peine plus âgé que lui.
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Réflexion – Un petit geste pour les jeunes qui apprennent à conduire
Le Conseil fédéral prévoit d’assouplir quelque peu le régime du permis à l’essai. Et il a raison.