Action socialeUn nouveau toit pour ceux qui n’en ont pas
La Maison Lazare, une idée originale de colocation solidaire entre sans-abri et jeunes actifs à Thônex, a été inaugurée lundi.

C’est une colocation pas comme les autres qui prend forme dans la première Maison Lazare de Suisse, inaugurée lundi à Thônex. Le concept, d’origine française, essaime à l’étranger: il s’agit de faire cohabiter des sans-abri avec de jeunes actifs, sous le contrôle d’une «famille responsable».
Sans télévision, sans lave-vaisselle, volontairement, pour créer du lien. Ici, c’est à Anne-Lorraine de Maillard, la présidente de l’association Lazare Genève, que l’on doit cette idée innovante. «J’avais l’habitude de faire des maraudes quand j’étais étudiante à Paris. J’ai adoré ces moments de rencontre, ça rebooste de voir des gens si courageux.»
Projet «génial»
Dans notre canton, elle ne retrouve pas tellement ce type de missions, car il y a «moins de gens qui dorment dans la rue». Elle rencontre alors tous les acteurs du milieu (l’Hospice général, Caritas, Carrefour-Rue, etc.) qui lui disent que son projet de colocation est «génial» mais lui souhaitent aussi bonne chance pour trouver un lieu…
Anne-Lorraine récolte plus de 100’000 francs de dons lors de la soirée caritative Genève pour le bien commun. Miracle, un propriétaire est convaincu par le projet, et la voilà en possession des clés d’une maison avec un parc de deux hectares derrière le Collège Claparède.
Après quelques travaux, des personnes en «galère, qui changeaient de lieu au gré des disponibilités, ont été soulagées de pouvoir poser leurs valises». Aujourd’hui, la maisonnée originale accueille une colocation de douze hommes, chacun sa chambre. Et Anne-Lorraine étudie des options pour créer une colocation de femmes également sur place.
Une maison sans alcool
Le loyer, fixé à 800 francs par tête, est le même pour tout le monde: ainsi, «il n’y a pas ceux qui sont là et qui subventionnent les autres». Une contribution de 150 francs est également demandée pour les courses communes. Pas question que chaque habitant aille s’acheter sa propre nourriture dans son coin. La charte des lieux se résume facilement: pas d’alcool, pas de drogue, pas de violence, et une participation aux tâches collectives comme le ménage.
Maxime et Anaïs, un couple d’agronomes avec trois enfants, forment la «famille responsable». Ils vivent dans une aile séparée dans la maison et sont chargés du bon déroulement général. «On avait envie d’un projet d’engagement en couple», explique Anaïs. «On est présent et on fait en sorte que la maison soit toujours la plus accueillante possible, complète Maxime. On est une oreille attentive aux petits chagrins, mais chaque colocataire concerné a un assistant social» et, le cas échéant, un psychologue.
Témoignages de renaissance
Stéphane, un des colocataires, prépare les fonds de tarte pour l’inauguration. De formation hôtelière, il fait souvent à manger pour tous. Il était auparavant au refuge des Tattes. Là-bas, «ce n’était vraiment pas jojo», raconte-t-il. «J’avais des problèmes avec mon colocataire, dépressif, qui me menaçait de mort. Alors qu’ici c’est vraiment génial, je ne me suis jamais senti aussi bien pendant un aussi long laps de temps.»
Francisco, professeur d’éducation physique, semble également reprendre pied: «Cette maison est un petit rêve, avec son jardin, le chant des oiseaux, les fleurs et les bonnes énergies. On a des libertés et des responsabilités. Depuis que je suis ici, j’ai l’impression d’avoir un meilleur contact avec ma fille.»
«Je ne me suis jamais senti aussi bien pendant un aussi long laps de temps.»
Du côté des jeunes actifs, Ignace, 25 ans, a l’expérience des maraudes. Mais il trouvait ce contact avec les personnes dans le besoin limité et frustrant. «On ne les aidait pas vraiment.» Alors quand il entend parler de la Maison Lazare genevoise, il dit «oui tout de suite. Je n’ai même pas demandé à visiter.»
Il raconte les activités en commun, entre les courses au Salève, les jeux d’échecs ou de domino, les entraînements de boxe sur le sac de frappe de la terrasse. «C’est quelque chose à faire avec soin, de s’intéresser aux autres. Je ne me force jamais. On peut apprendre beaucoup de choses, comme avec Mohamed, qui a connu la guerre en Irak. Je bénis le ciel de m’avoir amené ici plutôt que dans un petit studio un peu monotone.»
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