Future institution culturelle au Grand-SaconnexUn musée de la BD se dessine à Genève
L’institution prendra ses quartiers en 2025 à la Villa Sarasin, près de Palexpo. Qu’y découvrira-t-on? Les explications de Zep, l’auteur de Titeuf, très impliqué dans le projet.

Cet article a été illustré par des étudiants de la HEAD dans le cadre d’un partenariat HEAD x TdG
On en est encore au stade de l’esquisse. Mais à en croire Thierry Apothéloz, Genève peut se réjouir. Annoncé à diverses reprises, souhaité, un Musée de la bande dessinée prendra place à la Villa Sarasin, au Grand-Saconnex. Rendez-vous à l’horizon 2025 pour cette future institution dédiée au neuvième art, initiée et portée par le Canton. 2025? «C’est rapide, pour Genève!» a lancé le conseiller d’État jeudi soir lors d’une soirée organisée pour présenter le bâtiment de style florentin, construit entre 1830 et 1833. Présent lui aussi lors de cette partie officielle, Michel Pomatto, le maire du Grand-Saconnex, a détaillé quelques-unes des nombreuses étapes nécessaires avant l’ouverture au public. «Il y a un montage financier à mettre en place, une gouvernance à définir, ainsi que des partenariats. Il faudra un appel d’offres pour trouver un architecte. 2025 finalement apparaît comme un délai relativement court.»
Pour porter le projet, un comité a été formé. Plusieurs auteurs font partie de cette Association pour un musée de la bande dessinée et de l’illustration (AMBDI). Parmi eux, Albertine, Chappatte, Exem et Tirabosco. Et Zep, intronisé président de l’AMBDI. Discussion avec un responsable enthousiaste.
Genève entretient depuis longtemps des liens étroits avec la bande dessinée. Ce musée, c’est une forme de consécration?
Zep: Même si la reconnaissance apparaît un peu tardive, il existe depuis une quarantaine d’années un fort engouement autour de la bande dessinée à Genève. Je me rappelle des événements organisés dans les années 80, le festival Twist et scooter à Marignac, les premières grandes expositions mises sur pied par la galerie Papiers Gras. Un travail pionnier dans des espaces en soi déjà assez muséaux. La pratique d’exposer des originaux ne date pas d’hier.
Cette future institution répond-elle à un manque flagrant?
Il semblait assez évident que Genève exprime un peu de fierté par rapport à un patrimoine BD lié à Rodolphe Töpffer. J’ai visité plusieurs musées de la bande dessinée à Angoulême, à Bruxelles, à Séoul et aux États-Unis. À chaque fois, j’ai été stupéfait de constater qu’on y évoquait Genève à travers la figure de l’homme qui a inventé la bande dessinée. Ici, on parle finalement très peu de lui. Sur son buste, il est juste mentionné qu’il s’agissait d’un caricaturiste. Le fonds que possède la Bibliothèque de Genève (BGE) est magnifique. Il vaut la peine de le valoriser. Et de le mettre en écho avec la bande dessinée contemporaine.
Que vont découvrir les visiteurs?
Ce musée a pour vocation d’intéresser un vaste panel de gens. J’espère qu’il montrera toutes les bandes dessinées, et pas seulement le versant suisse ou genevois. J’aimerais qu’il soit à la fois un lieu pour les spécialistes et le grand public, les curieux dont les connaissances se limitent peut-être aux Schtroumpfs ou à Titeuf. Il faut que ce soit un lieu vivant et assez festif.

Pourquoi installer le musée au Grand-Saconnex, dans un endroit plutôt décentré?
Plusieurs lieux ont été visités. Pour finir, la Villa Sarasin, proche de Palexpo, a remporté l’adhésion générale. Les endroits disponibles en ville comportaient toujours énormément de défauts et d’importantes contraintes. Pendant longtemps, le projet a tourné autour de l’ancien musée de l’horlogerie. Parfait pour exposer des bijoux ou des montres, mais pas idéal pour des formats plus grands. Par ailleurs, le bâtiment n’offrait pas vraiment d’espace sur l’extérieur. À la Villa Sarasin, il existe des possibilités d’extension. La Ferme Sarasin toute proche a déjà accueilli des festivals BD. Situer ce musée près de l’aéroport constitue un pari. On sait qu’en matière de culture, le Genevois rechigne à s’éloigner du centre-ville. Mais on y croit. Le lieu possède du potentiel. Ça peut être un endroit où l’on va passer le dimanche avec ses enfants. Le jardin autour est magnifique, il y aura un restaurant. Comme configuration, cela ressemble à ce qui a été réalisé à la Fondation Beyeler, qui, pour le coup, est encore beaucoup plus excentrée.
La muséographie s’inspirera-t-elle de celle d’exemples probants, tel le CartoonMuseum à Bâle?
Forcément, il faut prendre en compte ce qui a été réalisé ailleurs. Mais je dirais que la Suisse romande a déjà une bonne expérience en matière de scénographie BD. Plusieurs grands festivals – Sierre, BDFIL, Delémont – ont présenté au fil du temps de magnifiques expositions. Le musée de Saint-Maurice, en Valais, fait aussi la part belle à la bande dessinée depuis plusieurs années. L’idée ici, c’est de montrer tout le travail de création à travers de nombreux documents originaux.
Des auteurs vont-ils mettre leurs planches en dépôt ou céder quelques-unes de leurs œuvres?
Un musée implique l’idée de constituer une collection. Le problème, c’est que l’on amasse une espèce de trésor que pour finir, on montre peu. Une exposition permanente ne m’apparaît pas très sexy. Les gens ont envie d’accrochages qui se renouvellent. Aujourd’hui, c’est relativement facile de mettre en avant la bande dessinée, parce que de nombreux auteurs sont encore vivants et souvent assez désireux de montrer leur travail. Quand on le leur demande, ils prêtent leurs œuvres. Certains musées souhaitent qu’on leur fasse des prêts perpétuels, d’autres achètent. Il y a différentes manières de procéder. Il faudra trouver un modus vivendi en fonction du budget du musée. Je pense qu’il y aura beaucoup de dons. Une fois qu’un musée existe, il reçoit beaucoup de pièces.
Certains collectionneurs possèdent des trésors. Se sont-ils manifestés?
Quelques-uns, oui. Mais on en est au stade de la prise de contact, puisque techniquement, le musée n’existe pas encore. Je pense qu’on constituera assez vite un fonds.
Le musée sera-t-il uniquement consacré à la BD?
Son nom de travail est le Musée de la bande dessinée, de l’illustration et du dessin de presse. L’intituler Musée du dessin ou Musée de l’image dessinée aurait été trop flou. Majoritairement, on y verra de la bande dessinée, mais il y aura certainement des expositions touchant à d’autres domaines graphiques. D’autant que – de plus en plus – les frontières apparaissent mouvantes entre les différents univers du dessin. Coco ou Catherine Meurisse sont des dessinatrices de presse qui réalisent de la bande dessinée. Pareil pour Chappatte. Beaucoup de dessinateurs de BD sont également illustrateurs, et la réciproque est vraie. Ce sont des mondes qui s’interpénètrent.
Impatient d’investir les lieux?
Personnellement, j’aurais envie d’ouvrir l’année prochaine. Mais il y a des budgets à voter et une rénovation doit être effectuée. Tout cela va prendre du temps. Ce genre de projets s’envisage sur le long terme. De 2022 articulé initialement, on est passé à 2023, puis 2024. Et finalement 2025.
Qui sera le directeur(trice) de cette nouvelle institution?
Plusieurs noms circulent, mais on ne peut pas encore les révéler. Pour le moment, des discussions formelles se poursuivent en interne. Il existe un protocole à suivre, une mise au concours à effectuer. Je pense qu’il est important que ce musée soit ouvert vers le grand public. Il faut que ce soit quelqu’un qui ait de l’expérience dans ce domaine.
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