RecensionUn livre intime raconte une Diogène genevoise
Quand accumuler et conserver virent à l’obsession. Carole Allamand tire le bilan universel d’une expérience individuelle.

Dans l’idée de tout garder, des sacs à main aux packs de yaourts en passant par les cadavres d’animaux enfouis sous des montagnes de déchets et d’objets, il se manifeste comme une volonté obsédante de retenir le temps qui passe. C’est ainsi que Nelly, la mère de Carole Allamand, autrice de ce livre passionnant, devient ce que l’on appelle une Diogène.
Elle a vécu d’accumulations dès lors qu’elle s’est retrouvée veuve et que sa fille est partie s’installer comme professeure de littérature française aux États-Unis. Comme si Nelly devait remplir sa vie, combler ses moments creux et faire du retranchement de l’appartement familial du quartier Saint-Jean une forteresse de la solitude.
Ampleur du désastre
C’est à la mort de sa mère que Carole Allamand, venue en Europe régler la succession, découvre l’ampleur du désastre.
En partant de son cas individuel, l’écrivaine déploie avec concision une sorte d’enquête multiple – littéraire, sociale, intime, psychologique – pour explorer la dimension universelle du mystère de ces «gardeurs» pathologiques qu’ici on appelle curieusement Diogène, alors que le philosophe grec de l’école cynique était un apôtre du dépouillement.
«Ce livre sans concession est aussi l’occasion de tout dire – donc de ne rien garder – d’une histoire familiale tourmentée et difficile.»
Pour l’autrice, qui confesse d’ailleurs ne «prendre aucun plaisir à écrire ces lignes» (p. 144), ce livre sans concession est aussi l’occasion de tout dire – donc de ne rien garder — d’une histoire familiale tourmentée et difficile. Elle renvoie comme un écho lointain au syndrome de Nelly, car pour cette dernière, tout conserver pour mémoire semblait finalement signifier ne rien retenir.
«Tout garder», Carole Allamand, Éditions Anne Carrière, août 2022, 182 pages.
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