
Cologny, 22 mars
Vous ne détenez pas d’action du Credit Suisse. Bravo, vous avez échappé à un désastre financier! Mais est-ce bien juste? Le montant de 113 milliards de francs représentant la perte de la valorisation boursière du titre CS depuis 2007 ne vous interpelle peut-être pas vraiment: pour mieux saisir l’importance de ce montant, il faut le traduire en des chiffres plus accessibles, par exemple en divisant celui-ci par le nombre d’habitants en Suisse.
On réalise alors que cette perte représente environ 13’000 fr. par personne. Certes, une partie des actions du groupe Credit Suisse sont détenues par des personnes à l’étranger, mais il est fort à parier, si vous regardez de plus près, que ces actions tiennent une place de premier ordre dans les actifs de vos caisses de prévoyance. La destruction de la valeur boursière du titre CS a généré, pour la grande majorité d’entre nous, une destruction d’une épargne qui nous était acquise, mais que nous ne recouvrerons jamais. Tirera-t-on un enseignement de tout cela?
A priori non, dans tous les cas pas dans l’ordre actuel des choses. En effet, tous les garde-fous mis en place ont pu être allègrement franchis, les mises en garde ignorées par les actionnaires majoritaires, administrateurs et dirigeants du Credit Suisse.
Ces derniers continuaient d’ailleurs à s’autocongratuler pour leur bonne conduite des affaires et à prétendre que leur rémunération était largement méritée au vu des compétences très rares et pointues attendues des managers de la banque, notamment en matière de gestion des risques. Tout cela sous l’œil bienveillant de nombreux parlementaires de Berne qui se sont systématiquement opposés à la mise en place de réglementations et de moyens de contrôle des banques en Suisse.
Aussi longtemps qu’une majorité politique continue de professer son credo naïf de l’autorégulation des marchés dans une économie globalisée, les catastrophes comme celle vécue aujourd’hui avec le Credit Suisse se répéteront à un rythme accéléré.
La fameuse «main invisible» d’Adam Smith risque bien de distribuer désormais les richesses créées dans le sens de la collectivité vers les «entrepreneurs», plutôt que, comme expliqué par le théoricien, des «entrepreneurs» vers la collectivité.
Arthur Nobs
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Lettre du jour – Un credo naïf