ReportageUn concert pop au sommet de la cathédrale
Mardi, 17 h 30: sur le parvis de Saint-Pierre, les passants lèvent les yeux. Tout là-haut, dans la flèche, le groupe genevois Le Cosmo Club joue avec le carillonneur Vincent Thévenaz. Signé Voix de Fête, festival tout-terrain.

«Il est venu le temps des cathédraaaaleeeeuu…» Installés sur la coursive extérieure de la flèche, les corps collés à l’édifice vertigineux, Augustin, Léon et Nelson s’échauffent. Le trio s’en donne à cœur joie, s’époumonant sur le refrain de «Notre-Dame de Paris». Dans cinq minutes, le groupe genevois Le Cosmo Club retournera à l’intérieur de la flèche pour jouer avec le carillonneur officiel de ces lieux, Vincent Thévenaz.
Le festival Voix de Fête ne peut pas faire de concert dans les salles? Alors Voix de Fête est allé au sommet de la cathédrale! C’était mardi en fin de journée. Ce sera jeudi encore, puis samedi. Il est 17 h 30, le show peut commencer. «Avec comme seul public La Clémence!» clame le jeune groupe pop, pas peu fier de se retrouver ici, tout à fait impressionné par une telle situation d’ailleurs, mais ne perdant nullement son sens de la dérision. Dans les entrailles de la flèche, entre les poutres de métal, sans oublier l’énorme cabine contenant le mécanisme automatique du carillon, il reste juste de quoi mettre trois gaillards debout, Léon à la basse, Augustin à la boîte à rythme et Nelson au chant. Cinq centimètres plus loin, Vincent Thévenaz est assis au clavier du carillon. Ce soir, on ne dansera pas la gigue.

Alors on lève le regard. Du clavier partent des câbles, une multitude de câbles, par groupes de trois, de quatre: tous montent vers le haut, vers les cloches. «Une tonne cinq pour la plus grosse, qui est aussi la plus vieille de la cathédrale – 1460.» Il va falloir du punch au carillonneur, et de la force dans les doigts pour presser les touches énormes. Appelons cela un toucher musclé. Au témoin de cette scène extraordinaire, l’impression d’avoir assisté à un récital de piano, tant le carillonneur met de gestes, de mouvements, de balancement – comme un Ray Charles possédé par la soul – dans son jeu, transcendant par la grâce des coups de marteau gigantesques sur les cloches de fonte, d’abord un rythme hip-hop, puis une chanson pop, un blues encore, puis une mélodie de variété dansante.
«Aujourd’hui, nous sommes dieux.»
Aux côtés du carillonneur, les jeunes rockers du Cosmo Club achèvent l’exercice d’un refrain de circonstance: «Aujourd’hui, nous sommes dieux.» De sacrés coquins, ces trois-là. Et les oreilles bourdonnaient encore du dernier coup de pioche du carillonneur lorsque, enfin, le silence est tombé. Le silence? Au loin, un tumulte. Une clameur. Des applaudissements, nourris, bruyants, ravis! «Venez saluer», lance Vincent Thévenaz à l’adresse de ses jeunes hôtes. Dame, le balconnet est étroit. Quelle perspective, d’apercevoir le parvis tout en bas, là où des dizaines de badauds se sont arrêtés – 80 selon les organisateurs, fiers de leur coup – pour écouter ce concert étonnant.

Voix de Fête, édition 2021, jusqu’au 21 mars, avec «Bimbeloterie» et autres curiosités. Infos: voixdefete.com
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J'aurai aimé être en bas de cette magnifique cathédrale.