Mes bons plans théâtre et danseUn bouquet final pour nouer la gerbe de saison
Quelques recommandations de dernière minute avant le tomber de rideau estival sur les plateaux genevois. Dont un événement majeur.

On peut dire qu’ils soignent leur sortie de scène, Natacha Koutchoumov et Denis Maillefer. Non qu’ils aient négligé leurs six ans de service irréprochable, loin s’en faut. Du tandem estampillé NKDM, l’histoire retiendra l’exploit d’avoir brillamment accompagné la Comédie de Genève du boulevard des Philosophes à la gare des Eaux-Vives. Reste que leur départ du cockpit qu’ils céderont cet été à Séverine Chavrier, les copilotes l’ont imaginé comme un bouquet final. Une véritable culmination – même si leur patte se fera encore sentir durant la programmation de la saison 2023-2024.
Un triple monument à la Comédie
Jugez un peu. Pour clore son mandat de codirection, le duo confie son grand plateau du 1er au 27 juin au non moins grand maître du théâtre contemporain qu’est le Polonais Krystian Lupa. Quatre heures durant, l’adaptateur jusqu’ici de Musil, Dostoïevski, Boulgakov, Nietzsche ou Thomas Bernhard – parmi d’autres – transposera le monument littéraire laissé par l’Allemand G. W. Sebald, «Les émigrants».

Produite par la Comédie, cette création très attendue, reposant sur une dizaine de comédiens romands présents à la fois sur scène et sur l’écran qui s’y déploiera, sera ensuite programmée au Festival d’Avignon avant une tournée européenne. Juste retour des choses, puisque le roman de 1992 recompose sur la base de quatre destinées l’histoire commune du déracinement propre au XXe siècle.
Tours et détours historiques
D’histoire, mais également de géographie il sera question dans deux spectacles plus locaux et de moindre ambition. Du 30 mai au 4 juin, le Théâtre Saint-Gervais prêtera quant à lui son plateau à son ancien directeur, Philippe Macasdar, qui y créera «Trois sœurs au Caire», une incursion égyptienne mêlant la correspondance de Tchekhov au passé familial du dramaturge, sur fond de bouillonnement social.

Quant à la comédienne et metteuse en scène Charlotte Filou, elle s’intéressera du 6 au 25 juin, aux Amis, à la figure hors normes de Louise Michel (1830-1905). Pour rendre hommage à la révolutionnaire active durant la Commune de Paris, sa «Louise» se fondera sur les «Mémoires» si succulents de l’écrivaine et institutrice. Un souffle féministe animera bien sûr la création, mais, au-delà, l’urgence également de transmettre à la première personne la vitalité d’une colère politique inassouvie. José Lillo y campera un émissaire de l’époque présente.
Crochet par le cinéma
Une illusion au carré s’apprête pour sa part à dérider le Théâtre du Loup du 23 mai au 4 juin. «George Kaplan», ça vous dit quelque chose? Cherchez encore. Oui, c’est bien au héros hitchcockien, ce leurre fait homme au cœur de «La mort aux trousses», qu’Elidan Arzoni dédie sa nouvelle création, sur un texte signé par le dramaturge français Frédéric Sonntag.

«Symbole à la fois de l’impact de la fiction sur nos vies ainsi que des pouvoirs en jeu au sein de nos sociétés», le nom mythique repris en titre inspire trois intrigues distinctes qui épinglent avec humour les paranoïas des temps modernes avant de converger sur l’agent secret imaginaire joué jadis par Cary Grant. L’occasion pour Arzoni et sa bande de mettre dos à dos principes éthiques, rouages démocratiques et subterfuges artistiques.
Pavillon assiégé
Pour conclure sa saison, l’ADC a prévu rien moins qu’une invasion de son Pavillon. Du 16 au 24 juin, l’institution remet en effet ses clés à la plus distinguée des trublionnes basées sur sol genevois: La Ribot. Avec son Ensemble, la chorégraphe espagnole investira tous les recoins imbriqués place Sturm, lesquels accueilleront plusieurs œuvres emblématiques rassemblées sous l’étendard «Occupation».

On y reverra des pièces passées (dont le «Happy Island» de 2018, seul spectacle payant de la sélection, et le «Laughing Hole» de 2006, suivi d’une soirée dansante). Et on y découvrira des nouveautés: sa «Pièce distinguée N° 59», ainsi que «Sol y sombra» – soleil et ombre –, une constellation de créations conçues spécialement pour l’occasion, et emmenées par différents membres de sa compagnie. Un programme de vidéos offrira une vision d’ensemble d’une production radicale et chatoyante, tandis que l’installation déclinée depuis 2018, «Walk the Authors», propose de lire des inscriptions gravées sur les chaises pliantes où La Ribot s’assoit «pour lire le monde».
C’est tout? Ça s’arrête là? Qu’on se rassure, vacances et spectacles ne sont pas totalement irréconciliables. Deux programmations d’été s’inaugurent au moment où la plupart des salles ferment boutique. La 6e affiche composée par Andrea Novicov à l’Orangerie se déroule du 28 juin au 6 septembre. Et celle concoctée par son prédécesseur Valentin Rossier à l’enseigne de la Scène vagabonde délaissera le parc Trembley pour la Scène Caecilia toute proche, du 9 juin au 29 juillet.
Du 23 mai au 28 juin et au-delà, comedie.ch, saintgervais.ch, lesamismusiquetheatre.ch, theatreduloup.ch, pavillon-adc.ch, theatreorangerie.ch, www.scenevagabonde.ch
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