Un appel à assouplir les règles d'Exit
Un membre d'Exit en Suisse alémanique propose que les aînés puissent bénéficier d'un accompagnement même s'ils ne sont pas malades.

Les personnes âgées devraient pouvoir demander un suicide assisté même si elles ne sont pas malades. Cette revendication brise un tabou, puisqu'elle ne lie plus un tel accompagnement vers la mort à une pathologie. Elle émane d'un représentant d'Exit en Suisse alémanique, Klaus Hotz. Avec une quinzaine d'autres membres, il va soumettre la question à l'assemblée générale de l'organisation le 17 juin, a révélé la SonntagsZeitung.
Le but, pour Klaus Hotz, est que tous les êtres humains aient droit à l'autodétermination. Il propose dans l'hebdomadaire alémanique de créer une commission interne à son organisation, chargée d'étudier une telle libéralisation. L'idée est qu'on admettrait l'assistance au suicide des patients les plus âgés (à partir de 80 ans environ) sans avoir besoin d'un diagnostic médical. L'examen d'un accompagnant d'Exit serait suffisant pour assurer que la personne est capable de discernement et qu'elle agit sans pression externe. L'ordonnance de pentobarbital, elle, serait toujours délivrée par un médecin. En Suisse alémanique, Exit ne s'exprime pas sur cette proposition et attend d'en connaître les détails. «Une discussion lors de notre assemblée générale est prévue, précise le porte-parole, Jürg Wiler. La présidente et le comité directeur se prononceront alors sur la ou les propositions qui en sortiront. D'éventuelles décisions porteront aussi sur la suite de la procédure.»
Droit à l'autodétermination
Le Code pénal (CP) suisse n'interdirait pas un tel développement, mais une ordonnance médicale est exigée par la loi pour fournir le produit létal. Surtout, le règlement d'Exit est plus restrictif que le CP. Il y a trois ans, l'organisation a fait un premier pas. Tant en Suisse romande qu'en Suisse alémanique, il a été décidé d'officialiser la possibilité d'accompagner des personnes atteintes de «polypathologies invalidantes liées à l'âge». En d'autres termes, d'aînés souffrant de multiples maux qui, en soi, n'entraîneront pas la mort mais enlèvent le goût de la vie. «Elles ont par exemple perdu en grande partie l'ouïe et la vue. Elles sont à l'hiver de leur vie et n'en voient plus le sens, explique Jérôme Sobel, président de l'organisation pour la Suisse romande. Nous ne sommes pas là pour leur mettre des bâtons dans les roues. Ce n'est pas non plus une offre commerciale, mais la réponse à une demande humainement compréhensible.» Précisons que les autres conditions pour bénéficier d'une assistance ne changent pas. Le désir de mourir doit notamment avoir été exprimé dans la durée et le bénéficiaire être capable de discernement.
«Hautement problématique» ou «très utile»
En 2016, Exit a accompagné 216 personnes en Suisse romande. Parmi les diverses pathologies, 91 patients souffraient d'un cancer (ils étaient âgés en moyenne de 75 ans) et 60 de polypathologies invalidantes (moyenne d'âge 83 ans). En Suisse alémanique, Exit a accompagné 722 personnes, dont 182 atteintes de polymorbidité. Mais pour Klaus Hotz, les choses n'ont pas suffisamment bougé. Le débat, au demeurant, n'est pas uniquement helvétique. Aux Pays-Bas, explique Jérôme Sobel, le gouvernement va discuter d'un changement proche de celui évoqué outre-Sarine. La Suisse devrait-elle suivre? L'ORL lausannois ne le pense pas. «Nos critères nous permettent d'aider les gens qui sont en souffrance et en font la demande. Nous n'envisageons pas de les changer.»
Faut-il aussi éviter de brusquer les Suisses? En tout cas, les oppositions sont là. «C'est hautement problématique!» s'exclame la conseillère nationale Bea Heim (PS), présidente de Pro Senectute dans le canton de Soleure. «Je crains que les aînés choisissent le suicide assisté parce qu'ils sont sous pression et qu'ils ont le sentiment d'être superflus.» Selon elle, on ne peut pas oublier une autre évolution, celle d'une société qui manque d'égards pour ses membres les plus âgés. «En politique, par exemple, on évoque les coûts de leur accompagnement, mais pas la question de leur bien-être. Leur santé psychique n'est pas un thème.»
Selon Peter Suter, membre de l'Académie suisse des sciences médicales (ASSM), les risques pourraient être évités avec un nouvel encadrement légal et des directives revisitées de l'ASSM. Il faudrait notamment s'assurer que le discernement est bien établi dans de tels cas et que les alternatives ont été clairement présentées. Enfin, les proches devraient être intégrés à la discussion. Cela pour éviter une situation comme celle rencontrée à Genève, où deux hommes se sont opposés au suicide assisté de leur frère qui a fini par se donner la mort seul.
Sur le fond, Peter Suter est donc ouvert à un assouplissement des conditions pour les aînés. Si cette discussion est sensible, il la juge cependant «très utile». «Le suicide tout court, et souvent violent, n'est pas rare chez la personne âgée. Il se fait alors sans avis médical et sans le soutien de personnes qui auraient par exemple pu proposer une aide pour continuer à vivre.» Il cite l'exemple de personnes qui veulent mourir en même temps que leur conjoint. «Au début, cela m'a beaucoup interrogé, mais j'ai fini par comprendre ce désir», conclut l'ancien doyen de la Faculté de médecine de Genève.
15% des aînés désirent mourir
Et les aînés, quelle relation entretiennent-ils avec la mort? Des chercheurs lausannois se sont penchés sur cette question. Dans le cadre d'une étude soutenue par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), ils ont interrogé 250 pensionnaires d'EMS dans les cantons de Vaud, de Saint-Gall et du Tessin. Ces aînés avaient en moyenne 87 ans. Leur autonomie était limitée et certains souffraient d'un début de démence. Les résultats ne sont pas totalement définitifs, quelques personnes seront encore interrogées. Ils montrent déjà que 15% des aînés rencontrés expriment un désir de mort. «Mais ce souhait est rarement actif. Ils se disent prêts à mourir, attendent leur décès, mais ne veulent pas accélérer les choses. Jusqu'à présent, un seul patient nous a dit avoir un plan précis», précise Eve Rubli.
Coresponsable de la chaire de soins palliatifs gériatriques à l'Université de Lausanne, Eve Rubli a repris l'analyse de cette recherche du FNS. Selon ces données, les désirs de mort des aînés sont davantage liés à des souffrances psychiques (une dépression ou une détresse spirituelle, comme un manque de sens à la vie) que physiques. «Certaines douleurs les gênent mais elles sont en général bien prises en charge dans les EMS.» Ces gens, au fond, se sentent physiquement «assez bien» là où ils vivent et n'ont pas le sentiment d'être un fardeau pour la société.
Parler de la mort
«Le message principal de notre étude est que l'on peut parler librement de ce désir de mort avec les seniors, résume Eve Rubli. Il faut évoquer la fin de vie suffisamment tôt, quand les personnes sont capables de discernement. Les aînés eux-mêmes se montrent assez prêts à en parler.» Et leurs cadets? La gériatre critique une forme de raccourci, fait par notre société en général et par le personnel médical en particulier: «Quand ces gens parlent de mort, on pense immédiatement à Exit. On peut, et on doit, proposer d'autres aides. Des soulagements physiques peuvent être offerts. Une prise en compte des dimensions psychique et spirituelle est également indispensable.» Pour Eve Rubli, la solution passe notamment par une meilleure formation du personnel qui s'occupe de nos aînés et qui a trop souvent du mal à aborder le sujet. Et par un assouplissement des conditions pour bénéficier d'un suicide assisté? Elle estime au contraire que le risque de dérapage serait «important» si les critères étaient moins stricts qu'aujourd'hui.
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