Le week-end dernier a donné naissance – dans la douleur – à un géant bancaire dont la somme de bilan est (hors consolidations inévitables) de l’ordre de 1’600 milliards de francs suisses. La nouvelle UBS passe ainsi de la 35e à la 20e place dans le classement des géants mondiaux, alors que son bilan pèse, à lui seul, 45% dans la somme des bilans de toutes les banques suisses (selon la BNS environ 300). Ces chiffres sont à mettre en regard – avec prudence – avec le bilan de la BNS, environ 1000 milliards, et avec celui du produit national de la Suisse, environ 700 milliards.
À la suite des déconvenues boursières de Credit Suisse, la Suisse se retrouve avec un mastodonte bancaire surdimensionné. En effet, selon une publicité récente, UBS disait desservir 2,5 millions de consommateurs en Suisse, soit plus du tiers de la population de plus de 15 ans. En extrapolant, Credit Suisse en desservait probablement un million. À la louche donc, le nouveau géant aurait à gérer plus de 3 millions de comptes en Suisse et connecter ainsi plus de la moitié de la population adulte (hors recoupements). Cette situation interpelle à plus d’un titre.
Ainsi, la nouvelle UBS pose la question de l’avenir de la concurrence sur le marché des services bancaires en Suisse. Comment encourager la concurrence quand le plus grand acteur du marché – en termes de bilan – pèse cinq fois plus que le 3e (Raiffeisen) et sept fois plus que le 4e (ZKB)? Cela d’autant plus qu’il n’est pas exclu que la nouvelle UBS cherche à augmenter sa profitabilité en Suisse pour compenser la situation moins confortable dans laquelle se trouvent les segments plus internationaux de son activité. Cette situation promet de beaux échanges entre les autorités de concurrence (Commission de la concurrence et Monsieur Prix) d’un côté, et de l’autre la FINMA dont le souci principal est la solidité financière des acteurs et la stabilité du système.
«La balle est dans le camp de la BNS.»
Du fait des probables lacunes en matière de surveillance qui ont contribué à la crise de la semaine dernière, la nouvelle entité ne doit pas s’attendre à des cadeaux du régulateur, d’autant plus que la FINMA doit redorer son blason aux yeux des régulateurs mondiaux. En dernière analyse, il faudra donc être prêt à arbitrer. Qui, dans le paysage institutionnel suisse fait de compromis, sera en mesure de faire la part des choses, entre les intérêts du consommateur suisse de services bancaires et les enjeux de la stabilité du système face à un nouvel acteur «too big too fail» qui par sa taille – dans le pire des scénarios – pourrait faire trembler le système financier mondial?
Il y a ensuite une interrogation plus théorique sur la portée de la politique monétaire. Supposons un pays où tous les acteurs ont tous leurs comptes dans une même banque. En conséquence, cette banque pourrait internaliser l’ensemble des paiements et l’ensemble des crédits. Non seulement nos vies économiques deviendraient translucides, mais de plus une telle économie pourrait se passer des billets et pièces. Tout serait jeu d’écritures. Elle n’aurait ni besoin d’une banque centrale ni de la politique monétaire, puisque l’économie serait entièrement basée sur le crédit et les taux privés. Tout le poids reposerait alors sur la surveillance bancaire. Avec une telle monobanque la monnaie serait entièrement privatisée.
Dans l’histoire récente, la monobanque a connu ses heures de gloire – mais pour des raisons opposées – au temps des économies planifiées de l’Europe de l’Est. Là il s’agissait d’enlever toute autonomie aux processus monétaires et de les soumettre à la logique du Plan. La monobanque était en fait la Banque centrale, et la monnaie pleinement nationalisée et asservie.
Certes, avec 40 ou 50% de la population connectés à la même banque, nous n’en sommes pas encore à la monobanque, mais les événements récents auront un impact sur la conduite de la politique monétaire. La balle est donc dans le camp de la BNS.
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Regard Eco – UBS: une monobanque en devenir?