Doté à la fois de la majesté des rois et d'un comique de clown, le plus grand des manchots porte le nom d'empereur. La singulière esthétique de l'attachant oiseau de mer n'a pas échappé à l'œil expert d'Armand Petersen, qui saisit l'occasion d'un accrochage organisé à Paris en marge de l'Exposition coloniale de 1931 pour l'incarner dans le bronze.

Si le modèle original mesure une vingtaine de centimètres de haut – il s'agit du seul exemplaire connu exécuté du vivant de l'artiste suisse –, celui qu'on peut admirer à la galerie Aubert Jansem, à Carouge, accuse un demi-mètre sous la toise. Les héritiers de Petersen l'ont fait réaliser en 2018, d'après un agrandissement en plâtre datant des années 1960. Dans ses notes, le sculpteur explique qu'il n'a pas les moyens de le fondre: cette production post-mortem respecte ainsi l'intention et l'esprit de son idéateur.

Subtils portraits psychologiques

Né à Bâle en 1891, Petersen fait partie dès la fin des années 1920 de la troupe de peintres et statuaires qui travaillent d'après nature à la ménagerie du Jardin des plantes. «Après les traumatismes de la Grande Guerre, ces artistes trouvent la sérénité dans l'observation des animaux, indique le galeriste Bruno Jansem. Y voyant un outil de promotion, la direction du parc leur permit d'installer un atelier dans le zoo.» Alors que le public de l'entre-deux-guerres voyait dans ces œuvres un simple symbole d'exotisme, les créateurs dressent de subtils portraits psychologiques de leurs modèles.

Le sculpteur helvète a synthétisé la silhouette du palmipède en lignes tendues. Le port altier de son bec se voit tempéré par un regard indulgent de vieux sage. Un esprit de malice habite les rondeurs débonnaires de cet empereur-là, qui réserve sa grâce formidable au royaume des eaux, hors de la vue des hommes.

Nouveau bestiaire Jusqu'au 8 avril, sur rendez-vous. www.aubertjansem.ch

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