Best ofTout tout U2
Durant des décennies, le quatuor de Dublin a incarné un sommet d’emphase rock au service des ambitions messianiques de Bono. La formule a donné des pépites.

On ne peut pas reprocher à Bono d’avoir pris le melon une fois son groupe devenu géant. L’investissement corps et âme de Paul David Hewson dans sa musique remonte à 1976 et les premières répétitions dans le local familial du batteur Larry Mullen. Marqués par les effets tourbillonnant du guitariste The Edge, un romantisme folk et l’inspiration tragique du conflit nord-irlandais, le groupe se veut étendard pour porter loin la voix de la jeunesse dublinoise. En résultent ses meilleures chansons, composées pour la plupart entre 1980 et 1987, cette année-ci aboutissant au chef-d’œuvre «The Joshua Tree», ou comment la quête spirituelle de Bono s’alimenta des légendes du rock’n’roll américain.
Alors que U2 publie demain son premier album studio depuis 2018, dans lequel il revisite son répertoire en version soft, et revient dans le désert (mais à Las Vegas), quelques pépites font du bien aux oreilles.
Sunday Bloody Sunday
Sur un tempo militaire, les paroles revendicatrices de Bono et les envolées acérées de The Edge, le groupe trouve son hymne après deux albums à tâtons. Offert à la mémoire des manifestants autonomistes nord-irlandais abattus le 30 janvier 1972 par l’armée anglaise, «Sunday Bloody Sunday» résonne en 1983 comme un cri contre la violence politique du Royaume-Uni thatchérien. Si efficace qu’il a complètement fait oublier la première chanson du même titre, composée par John Lennon et sortie six mois après le massacre de Derry.
Bad
Dans la version studio de cette chanson, sur l’impeccable «The Unforgettable Fire», The Edge ose plus de six minutes d’échos de guitare en ascension lente mais assurée: le son et le style de U2 au plus près. Mais le groupe double la mise le 13 juillet 1985, au Live Aid londonien, en une version de douze minutes restée célèbre. Une forme de perfection, également pour la coupe mulet de Bono… Au lendemain du festival humanitaire vu, dit-on, par 2 milliards de personnes, U2 est devenu un géant des stades.
Where The Streets Have No Name
S’il fallait résumer les ambitions américaines des Irlandais, «Where the Streets Have No Name» se pose là. Parmi les meilleures chansons d’ouverture de disque de tous les temps, elle orchestre le décollage de «The Joshua Tree» en 1987 avec son hommage au gigantisme du pays et à sa plus célèbre city, New York (où les rues portent des numéros, donc). Dommage que le clip ait été tourné à Los Angeles.
Bullet the Blue Sky
«Sunday Bloody Sunday» était un cri contre la guerre; «Bullet the Blue Sky» est la guerre elle-même. Inspirée du conflit au San Salvador, elle met en notes l’angoisse sourde de la destruction, la violence martelée sur une caisse claire, les tirs de balles explosives reproduits dans les effets stridents de la guitare. Placée à mi-parcours sur le disque «The Joshua Tree», elle vient détruire en hurlant tous les bons sentiments alentour et rappeler que les États-Unis ne sont pas que de beaux paysages. Sans doute la meilleure chanson de U2.
One
Impossible de ne pas citer la chanson la plus fameuse de U2, ballade sur la réunification allemande mais dont le message de concorde, dit-on, a également réussi à ressouder les ego disloqués des membres pendant l’enregistrement difficile du berlinois «Achtung Baby», en 1991. Si simple et efficace qu’elle a fait depuis le bonheur de tous les musiciens, qu’ils soient amateurs ou se nomment Johnny Cash, lequel en lègue une version magistrale dans son «American III: Solitary Man».
Beautiful Day
Après une décennie passée sans grande réussite à chercher son oxygène entre les bourrasques du grunge et de la techno, U2 démarre en trombe le nouveau millénaire, comprimant son savoir-faire et son identité dans une pépite pop d’une efficacité redoutable. Dans ses carillons de guitare et ses voix entrecroisées, «Beautiful Day» a mieux vieilli que son clip, ode à l’aviation civile (?) où les long-courriers qui rasent la brosse à Bono trahissent lourdement leur obsolescence numérique… et écologique.
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