Tom Tirabosco donne vie à des baleines éphémères
Entre performance scénique et concert dessiné, l'auteur genevois crée en direct de grandes fresques au côté du rappeur Jonas et du musicien Gabriel Scotti.

Filmée par une caméra surplombant sa table à dessin, la main droite de Tom Tirabosco file à toute allure sur une grande feuille de papier blanc. Un coup de pinceau, un autre, un trait de pastel: de l'illustration fluide et changeante esquissée à l'instant émerge la forme d'une baleine. Qui se déforme, se dérobe et disparaît bientôt, recouverte par de nouvelles figures, parfois abstraites, parfois figuratives. Envoûtante, assez éloignée de sa pratique habituelle, la performance du bédéaste genevois s'intègre dans un projet multidisciplinaire à découvrir au Théâtre de l'Orangerie, de mardi à samedi. Entre performance scénique et concert dessiné, «Toujours nous chérirons votre mémoire» mêle la musique et les mots aux images.
Pendant que Tom Tirabosco crée ses fresques éphémères, le rappeur genevois Jonas Brülhart s'approprie les mots de «Whale Nation», un texte du britannique Heathcote Williams. Au cours de ce long poème en vers libres centré autour des plus grands mammifères de la planète, il est autant question d'émerveillement que d'horreur. Au slam de Jonas se mêlent les notes du musicien Gabriel Scotti. Vibrations évolutives, ses matières sonores organiques immergent le spectateur dans un ensemble pensé comme un voyage sonore et visuel au cœur de l'univers des baleines.
Aventure collective
«Cette création, c'est une aventure collective», souligne Tirabosco sur le pas-de-porte de son atelier, au cœur de Plainpalais. Conseiller artistique indépendant, Pierre-Louis Chantre a été invité à rejoindre le trio afin d'adjoindre au texte des éléments dramaturgiques supplémentaires. «Ce que Heathcote Williams nous montre dans «Whale Nation», c'est que sans le sacrifice massif des cétacés, notre société industrielle n'existerait peut-être pas», relève l'ancien journaliste culturel. Au XVIIIe et XIXe siècle, des centaines de milliers de baleines ont été massacrées. «Moulus, leurs os devenaient de la nourriture pour les volailles et de l'engrais pour les champs. Distillés, leurs organes internes participaient à la production de produits pharmaceutiques ou cosmétiques. Quant à leur peau, on en tirait de la glycérine, afin de fabriquer des bombes ou du rouge à lèvres.» Avant l'avènement de l'électricité, l'huile de baleine servait par ailleurs à éclairer les rues et les maisons.
Un génocide évoqué d'une voix grave par Jonas sur scène. Le rappeur au prénom prédestiné dit aussi, et heureusement, la beauté de l'animal, son intelligence supérieure, ses chants ou ses jeux raffinés. «J'aime tout à la fois l'ampleur et la douceur de la baleine, cette espèce d'énormité paisible», confie l'intéressé, qui apprécie d'évoquer au cours de «Toujours nous chérirons votre mémoire» aussi bien la catastrophe écologique que la grâce. Comme Tirabosco, Jonas éprouve une réelle fascination pour les géants des mers. «On s'est rencontrés autour d'échanges de photos de cétacés que nous avions pris respectivement aux Açores», explique-t-il. Les deux créateurs travaillent actuellement sur un court-métrage d'animation inspiré d'un titre de Jonas, «La baleine». Sortie prévue en 2020.
Transmettre des émotions
Du plus loin qu'il s'en souvienne, Tom Tirabosco, dont le fils se prénomme également Jonas, a toujours été émerveillé par les géants des mers. Dans «Wonderland», son album le plus autobiographique, il évoque ses crises de nerfs juvéniles lorsqu'il voyait sur l'écran de la télévision familiale des cétacés se faire harponner. «Je crois bien que le premier dessin que j'ai réalisé, c'était une baleine», se souvient-il tout en peaufinant en répétitions les gestes qu'il accomplira dès mardi à l'Orangerie. «Parfois, je dessine dans un bac d'eau avec des Neocolor. Il m'arrive aussi durant ce spectacle de travailler à deux mains. L'objectif n'est pas de réaliser un beau dessin, mais une image assez impressionniste qui transmette des émotions.»
Ce n'est pas la première fois que l'auteur de «Femme sauvage» dessine en direct. En 2017, dans le cadre du festival BD-FIL, on a notamment pu le voir œuvrer sur le blues du groupe DeltaR. C'est à cette occasion qu'il avait rencontré Gabriel Scotti, l'un des trois membres de cette formation. «J'aime ces projets transversaux qui m'obligent à expérimenter. Le monotype que j'emploie normalement est un processus contraignant. Je dois ici lâcher mon trait. Il s'agit d'un dessin expérimental, plus abstrait et plus ludique. C'est très libérateur.»
«Toujours nous chérirons votre mémoire», du 24 au 28 septembre à 19h, Théâtre de l'Orangerie
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