Quand Thomas Bach, président du Comité international olympique, est né, en 1953 à Wurtzbourg, en Bavière, l’Allemagne venait à peine de revenir aux Jeux olympiques. En 1948, elle n’avait pas été invitée aux Jeux de Londres, alors que la Seconde Guerre mondiale était finie depuis plusieurs années. Mais il semblait alors évident qu’il existait un code des valeurs olympiques et un sens commun de la justice des hommes, qui ne permettait pas aux Allemands de réintégrer les grands rendez-vous sportifs. Personne n’aurait alors imaginé une bannière neutre, à l’ombre de laquelle des athlètes allemands qui se seraient montrés, par exemple, critiques vis-à-vis du nazisme, auraient eu la possibilité de venir défendre leurs chances.
Quand Thomas Bach eut 27 ans, en 1980, le gouvernement allemand décida de boycotter les Jeux olympiques de Moscou. C’était embêtant: Thomas Bach avait été champion olympique au fleuret par équipe, quatre ans plus tôt à Montréal, et espérait bien récidiver. Il protesta au nom de ses équipiers, sans succès, ce fut ainsi qu’il commença sa carrière d’apparatchik – le mot tombe si juste – du sport, choisissant déjà ne pas se préoccuper trop de ces questions des victimes de l’infamie. Mais il semblait évident à certaines démocraties, dont l’Allemagne, qu’on ne pouvait aller faire des courses et des concours à médailles dans un pays qui venait de lancer une «opération spéciale» – tiens, tiens – consistant à agresser l’Afghanistan un soir de Noël 1979.
Quand Thomas Bach, quarante-trois ans plus tard, se démène pour permettre aux athlètes russes de venir, d’une façon ou d’une autre, sous un drapeau de pacotille, aux Jeux Olympiques de Paris, il oublie donc les valeurs olympiques, et surtout occulte l’histoire, tente de la contourner ou de la réécrire. Il souligne par exemple que «ce n’est pas aux gouvernements de décider» de la participation de leurs compétiteurs. Ah bon? C’est pourtant ce qu’ils ont toujours fait, à grands coups d’hymnes nationaux, mais Thomas Bach a l’air de préférer, osons la provocation, une manière de «CIO über alles» qui se dispenserait de l’avis des États, de la politique et des valeurs morales, pour préférer mettre les cadavres sous le tapis décoré du logo des sponsors. Le sens commun de la justice des hommes s’est évaporé, et les anneaux olympiques ressemblent à des ronds de fumée.
Quand Thomas Bach se vexe des leçons de Volodymyr Zelensky appelant à interdire les Jeux aux Russes, il décide donc de prendre plutôt le risque d’un possible boycott des Ukrainiens à Paris. Ils ont de toute façon une guerre à gagner sans médaille d’or, plutôt que de parader dans la supposée patrie des droits de l’homme. Tous les jours, des hommes, des femmes et des enfants d’Ukraine meurent sous les bombes russes. Thomas Bach regarde cela comme un match à la télé.
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1000 vies – Thomas Bach