Sorties cinéma«The Northman», «Les folies fermières»: quels films aller voir cette semaine?
Un Hagard du nord qui s’y croit, comme un paysan qui ouvre un «Crazy Horse» dans sa grange, la merveilleuse illusion du cinéma! Sélection de quelques tours de magie.
«The Northman», choc en retour

«The Northman» était l’un des films les plus attendus de l’année. Et pour une fois, cette attente se justifie. Car le choc est réel. D'un arc narratif à la violence graphique parfaitement digérée, Robert Eggers tire un film puissant qui ne laisse guère de répit. La rage souffle sur une vengeance shakespearienne qui se pare de mythologie pour mieux souligner les ambiguïtés des liens familiaux. Déchiré par l’assassinat de son père, tué par son propre frère, le jeune Amleth grandit dans l’idée obsessionnelle de se venger et de prendre le pouvoir. Elevé par des Vikings, il devient un «berserker», guerrier violent et presque enragé.
La mise en scène digère la violence et la furie du propos, offrant un contrepoint habile à cette folie ambiante qui semble gagner un univers médiéval hors de notre conscience, presque déraciné de l’Histoire. Chaque plan déjoue l’idée qu’on peut se faire d’une esthétique imposée par des séries type «Game of Thrones». Le film est clairement à des coudées au-dessus. L'un des temps forts de l'année.
Note: ****
«Compétition officielle», pas de Palme ni de Lion

Dans «Compétition officielle», leur dixième film, les cinéastes Mariano Cohn et Gastón Duprat ont convaincu un couple chéri du septième art, Penélope Cruz et Antonio Banderas. Las… familiers du maestro Pedro Almodóvar, soudés par un esprit de troupe ancien, ces comédiens ressemblent à une pâle version d’eux-mêmes dans ce jeu de faux-semblants. Pourtant associés dans «Douleur et gloire» en 2019, Banderas se calquait déjà en copie conforme de son Pygmalion.
Cette fois, c’est Penélope Cruz qui se colle au leurre de la metteuse en scène névrosée avant de tourner sa grande œuvre, son compatriote flippant en star mûrissante aux rides angoissées. Les réalisateurs argentins usent d’un stratagème déjà fort usé, parler de la magie du cinéma en dévoilant son mode de fabrication, de la sueur créative à l’accident du hasard.
Sans même viser le plus grand film malade de Fellini sur la question, «8 1/2», la Nouvelle Vague de Truffaut en «Nuit américaine», l’hilarante pochade de Ben Stiller avec «Tonnerre sous les tropiques», entre autres examens de nombrils de cinéastes déprimés, cet exercice affiche un électrocardiogramme plat.
Un humour sardonique devrait tenir de défibrillateur dans cette affaire au déjà-vu accablant. Ainsi du producteur, un businessman richissime sentant sa fin prochaine, qui désire passer à la postérité. Le magnat hésite entre construire un pont à son nom ou financer un chef-d’œuvre cinématographique. Caramba! Mieux aurait sans doute valu qu’il opte pour l’architecture car «Compétition officielle» ne vaut pas une brique.
Note: *
«Les folies fermières», humour vache

David, paysan dans le Cantal, a tout essayé, jusqu’au quinoa. Au bord de la faillite après une ultime négociation avec son banquier, l’agriculteur finit dans un cabaret. Là, ébloui par des émules du french cancan, touché par la grâce bovine, l’éleveur sent que son salut pourrait passer par des «Folies fermières» avec des bergères improvisées.
L’histoire vaut par son caractère authentique. Aucun scénariste n’aurait osé imaginer des développements si prévisibles, de la meneuse de show irascible à l’incendie de la grange. Le réalisateur Jean-Pierre Améris s’en accommode, grappille la spontanéité chaleureuse, la bonté humaine, etc.
Il sera beaucoup pardonné à l’auteur du génial «Émotifs anonymes», l’excellent traducteur du «Profession du père» de Sorj Chalandon veut y croire. Mais au contraire de ces deux films très réussis, le Lyonnais ne peut cette fois puiser dans la force d’âme de son comédien Benoît Poelvoorde.
Note: *
«Une histoire provisoire», des comédiens apaisés

Elle et lui. Une actrice, un acteur. Pooneh Hajimohammadi et Felipe Castro. Elle est d’Iran, lui de Genève. Mais parlons plutôt d’harmonie, de douceur, de plaisir. Celui de les voir, d’abord. De les contempler. Un jeu naturel, minimaliste, sans excès. Cet art d’être parfaitement justes, à leur place. Le film leur doit énormément, et affirmer l’inverse serait mentir. Et la direction d’acteurs de Romed Wyder leur rend justice. En cela, «Une histoire provisoire», exercice à son tour minimaliste qui ne cherche pas à expliquer tout ce qu’on voit, au contraire de tant de films à sujet qui s’ingénient à démontrer, dénoncer, moraliser le monde, est en accord avec ses intentions.
Malgré les difficultés qui ont barré la route au film, qui a bien failli ne jamais se faire – mais Romed est resté stoïque, ce qui ne nous étonne guère lorsqu’on le connaît un peu –, le métrage a acquis une certaine sérénité, se détachant à son tour des contingences du monde. Ce huis-clos n’a pas de résonance ni de justification dans l’actualité immédiate. Et son apparente intemporalité est paradoxalement un atout. Car le film devient dès lors pure observation et n’est que cela. Il n’y a pas ici d’instance extérieure venant menacer le calme intérieur, le perturber ou le détruire. Un joli moment.
Note: **
«(Im)mortels», au-delà des clichés et du reste

Une force brute émane avec beaucoup de délicatesse dans ce documentaire réalisé par Lila Ribi sur sa grand-mère et applaudi aux dernières Journées de Soleure. Approchant le centenaire, la vieille dame ne tergiverse pas avec l’au-delà. Qu’y a-t-il pour elle après la mort? «Rien», assène l’aïeule avec un détachement émotionnel qui arrondit peu les angles de fuite habituels.
Et d’expliquer comment, jadis, elle a cru un peu en un dieu. Plus maintenant. Alors la cinéaste mène l’enquête, consulte, entre autres spécialistes, le neurologue Lukas Imbach, ou Erich Dudoit, psychologue spécialisé dans l’accompagnement des mourants.

Décidée à explorer toutes les pistes, Lila parle avec Hervé, un jeune atteint d’un cancer, Paulette, une veuve, et d’autres ayant côtoyé la grande Faucheuse. Pendant ce temps-là, sa chère Greti poursuit son voyage vers sa conclusion inéluctable. La dignité des êtres submerge ici, retient plus que le minimalisme de la mise en scène, l’économie de moyens. Une expérience.
Note: ***
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