Taxer les robots ? Non, quoique...
Robert Shiller, qui n'est pas n'importe qui (prix Nobel d'économie en 2013, coauteur du célèbre indice Case-Shiller du marché immobilier résidentiel américain, auteur du best-seller «Exubérance irrationnelle»...), propose dans une récente tribune de considérer moins sceptiquement que ne le font d'ordinaire les économistes l'idée de taxer les robots.
Son point de vue vaut d'être pris en compte, car au lieu de simplement rejeter l'argument des opposants selon lesquels une telle taxation freinerait l'investissement, la productivité, et donc la croissance, Shiller s'intéresse avant tout au problème du creusement des inégalités que l'irruption massive et rapide des robots dans une multitude d'activités ne fait à l'évidence que renforcer. Il y a là ce que les économistes appelleraient une externalité négative du progrès technique, qui ne peut être corrigée que par une intervention de l'Etat, sous forme d'une augmentation de la fiscalité permettant de financer la reconversion professionnelle des travailleurs ayant perdu leur emploi. Après tout, il est couramment admis que les activités générant des externalités négatives soient plus fortement taxées que les autres, comme le montre le recours quasi universel aux impôts sur l'alcool, le tabac, les carburants ou plus récemment les émissions de CO2.
N'empêche que l'impôt sous presque toutes ses formes est généralement mal accepté, et quelle que soit sa progressivité (on aimerait surtout taxer les plus riches), il manque le plus souvent sa cible, et introduit toutes sortes de distorsions dans le fonctionnement de l'économie.
Soit. Mais alors, plutôt que pénaliser l'effort productif de ceux qui travaillent, ou imaginer un revenu inconditionnel de base impossible à mettre en place, pourquoi ne pas envisager, le temps que dure la transition vers de nouveaux emplois, un très modeste et temporaire prélèvement fiscal sur les robots, politiquement et socialement plus acceptable qu'une fiscalité confiscatoire ?
Effectivement, les machines sont moins susceptibles de se révolter ou d'éluder l'impôt que des contribuables s'estimant exagérément taxés, et à cet égard Shiller peut s'attirer davantage de sympathie que les habituels pourfendeurs de la robotisation. Contrairement à eux, il n'entend pas freiner le mouvement, mais attache la plus grande importance à la requalification professionnelle des travailleurs privés d'emploi, requalification qu'il faudra bien d'une manière ou l'autre financer.
On se permettra néanmoins de lui faire remarquer que l'évasion fiscale telle que les plus hauts revenus s'ingénient à la pratiquer continuera selon toute vraisemblance de résister victorieusement aux tentatives d'y mettre un terme. Et surtout, on notera que les prélèvements fiscaux opérés à titre censément temporaire finissent presque toujours par durer, comme le montre l'exemple très emblématique des impôts dits de guerre, tel notre impôt initialement pour la défense nationale, introduit le 9 décembre 1940, devenu impôt fédéral direct en 1982, et ancré dans la loi neuf ans plus tard…
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