
Le 12 mars, les électrices et électeurs genevois se prononceront sur l’initiative populaire 179 «Contre le virus des inégalités... Résistons! Supprimons les privilèges fiscaux des gros actionnaires». À une dizaine de jours du verdict des urnes, le député d’Ensemble à gauche Jean Batou, favorable à l’initiative, oppose ses arguments à ceux de son adversaire Xavier Magnin, député du Centre au Grand Conseil.
Halte aux privilèges des gros actionnaires
Je vois six raisons principales de voter OUI, le 12 mars prochain, à l’initiative de la Liste d’Union Populaire contre les privilèges fiscaux des gros actionnaires:
1. À Genève, 1850 gros actionnaires touchent près de 2 milliards de francs par an «endormant», selon la formule de François Mitterrand. Ceci, parce qu’ils possèdent 10% ou plus des actions d’une entreprise. Pourtant, ils ne paient aucun impôt sur 30% à 40% de ces gains astronomiques. Une injustice flagrante par rapport aux salariés, aux retraités, aux petits indépendants, et même aux petits actionnaires, qui, eux, sont taxés sur la totalité de ce qu’ils gagnent.
2. Les dividendes de ces gros actionnaires augmentent chaque année (1 milliard en 2017, près de 2 milliards en 2019), soit une moyenne de 80’000 francs par mois et par personne. Et ces montants devraient encore croître à l’avenir, compte tenu de la baisse de moitié de l’imposition des bénéfices des entreprises depuis 2020. Cela n’a rien à voir avec les gains d’un artisan ou d’un petit patron dans un canton où plus de 60% des entreprises ne déclarent aucun bénéfice.
3. Durant ces 20 dernières années, les gros actionnaires ont vu leurs dividendes croître 10 fois plus vite que nos salaires et nos retraites. La droite nous explique qu’ils risqueraient de quitter Genève s’ils étaient taxés comme tout le monde, sur l’ensemble de leurs revenus. Ce n’est pas crédible, alors que les multimillionnaires y sont de plus en plus nombreux et que leurs fortunes ne cessent d’augmenter.
4. À Genève, les fortunes privées de plus de 3 millions de francs se sont vu en effet multiplier par trois au cours de ces sept dernières années, et ceci en partie en raison de la captation de dividendes somptueux. Ces fortunes privées alimentent une consommation de luxe tapageuse: notre canton compte plus de voitures de luxe et de jets privés que Zurich. Elles renchérissent le coût de l’immobilier, et donc de tous les loyers. Elles nourrissent enfin une spéculation effrénée sur les marchés financiers.
5. Au lieu de réinvestir leurs profits pour développer l’outil de travail et créer de l’emploi, comme sont réputés le faire les «patrons vertueux», les gros actionnaires détournent une part croissante des richesses créées par les salariés au profit de leur fortune privée. Avec le néolibéralisme, ce n’est plus l’entrepreneur, mais l’actionnaire qui fait la loi. Aujourd’hui, 70% des bénéfices nets des sociétés suisses sont ainsi appropriées par leurs actionnaires, contre 30%, il y a 20 ans.
6. Voter OUI le 12 mars à la suppression des privilèges fiscaux des gros actionnaires rapportera 150 à 200 millions au canton et aux communes. Cela permettra de financer l’hôpital, les soins à domicile, les EMS, les subsides d’assurances maladie, la formation, le logement social, les transports publics, le plan climat cantonal 2030, les crèches, etc. Un pas vers plus de justice sociale.
Voulons-nous tuer les PME?
Apparemment, chaque matin en se réveillant, certains se demandent comment inventer un nouvel impôt…? Cette fois, c’est au tour des PME de (re)passer à la caisse!
Soumise à une votation populaire le 12 mars prochain, l’initiative 179 défendue par la gauche veut surtaxer les chefs d’entreprise qui perçoivent des dividendes en tant qu’actionnaires de leur SA ou de leur Sàrl.
Le bénéfice de l’entreprise est déjà taxé deux fois: une première fois, c’est l’entreprise qui paie, et une deuxième fois, c’est l’actionnaire qui est imposé quand il touche des dividendes.
Si, comme le veut cette initiative dangereuse, on passe de 70% à 100% des dividendes imposés, Genève sera un cas unique en Suisse, voire en Europe. N’oublions pas qu’un chef d’entreprise, que ce soit d’une PME ou autre, est déjà multi-taxé: impôt sur le bénéfice de son entreprise, impôt sur le capital de l’entreprise, taxe communale professionnelle, impôt sur le revenu selon son salaire, impôt sur le revenu selon ses dividendes et enfin diverses redevances.
Et là, on ne parle pas de gros actionnaires d’entreprises cotées en bourse, on parle de votre boulanger, de votre électricien, de votre fleuriste ou de votre plombier!
Cette initiative frappe donc de plein fouet les petits patrons qui possèdent leur PME locale. Elle épargne complètement les riches qui détiennent de gros portefeuilles d’actions des plus importantes entreprises de la Bourse. Car aucun d’entre eux ne peut posséder à titre personnel plus de 10% de Novartis ou d’UBS… C’est dire l’incohérence totale de cette initiative qui se donne des airs de Robin des bois mais ne fait finalement que vider un peu plus les poches des petits entrepreneurs locaux.
Genève est déjà champion suisse des impôts et pourrait même prétendre à une belle place d’honneur en Europe avec des taxations qui n’existent nulle part ailleurs dans l’OCDE, comme l’impôt sur le capital de l’entreprise. Genève n’aura bientôt plus rien à envier à nos amis français sur le plan de la gourmandise fiscale…Ne cédons pas aux sirènes de l’obsession fiscale qui veulent nous faire croire que cette initiative ne concerne que les gros actionnaires alors qu’elle cible tous les entrepreneurs qui ont plus de 10% du capital de leur société. Les patrons de PME créent des emplois, font vivre 230’000 Genevois et ils devraient donc être punis?...Pourquoi s’acharner à détruire méticuleusement les fondations de notre réussite genevoise, de notre prospérité, de notre attractivité: l’esprit d’entreprise, l’innovation, l’envie de créer quelque chose, le goût du risque, l’amour du travail bien fait, la responsabilité personnelle?
Si cette initiative est adoptée par le peuple genevois, il suffira de faire quelques kilomètres pour bénéficier ailleurs d’une fiscalité plus accueillante pour les entreprises. Ce risque est réel. Surtout avec les autres «gâteries fiscales» au programme des prochaines votations 2023. Réfléchissons plutôt à une diminution des impôts pour tous. Notre histoire a démontré clairement qu’une baisse des impôts n’entraîne pas un recul des recettes fiscales. Au contraire!
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Face-à-face – Taxer les dividendes?
Jean Batou, favorable à l’initiative «Contre le virus des inégalités... Résistons! Supprimons les privilèges fiscaux des gros actionnaires», oppose ses arguments à ceux de Xavier Magnin.