Sorties livres et BDSylvain Tesson se pend aux lèvres et autres idées noires pour sourire
L’écrivain voyageur crie «Arrière la mort», Miss Chat arrête les pernicieux, Michael McDowell se la coule douce et terrifiante sur le flot de «Blackwater». Quelle époque!
«Noir», résister à la mort, mode d’emploi

Sylvain Tesson cherche une corde pour se pendre depuis trente ans. Situation tendue que l’écrivain voyageur documente à travers des textes et dessins accumulés, prenant «le requiem électro de Villon, les vapeurs d’Edgar Allan Poe, les chloroses de Baudelaire» pour repousser les asticots. «Memento mori… Dans le brouhaha d’une vie en fête, dans le contentement de soi et dans le désordre de nos heures, on aurait tendance à l’oublier. C’est un tort.»

Jadis, ce misanthrope ne résistait jamais à prendre du recul en escaladant les toitures par n’importe quel temps, jusqu’à y laisser ses vertèbres. Des steppes de Sibérie aux précipices de son inconscient, il porte l’autodérision en bandoulière comme un harnais de sécurité. Et si l’animal social qui survit en lui rassure par ses éclats médiatiques, cet homme sauvage inquiète aussi comme le Jack Torrance de «Shining», en noircissant les pages avec le mot «désespoir» pour mantra.

Quitte à en énerver parfois dans ce bouquin de notes et de crayonnages, par la puérilité de charades éventées de corde à piano et note fausse. Mais son agilité littéraire, plus que physique désormais, fascine. Car Sylvain Tesson dans ses «Vanités», c’est aussi «se pendre parce qu’on n’est jamais à la hauteur». Et de l’aimer pour sa faiblesse.
«Noir»
Sylvain Tesson
Éd. Albin Michel, 382 p.
«Blackwater», une saga en poche de luxe

Le 3e tome des 6 épisodes de «Blackwater» sort ces jours. Lancé en avril dernier, ce feuilleton qui se bouclera en juin traîne dans les poches un parfum entêtant d’aventure gothique matinée de tabous et autres piments de l’existence. Tout commence à Pâques en 1919, à Perdido, Alabama, quand une «matriarche» du tonnerre de Dieu, Mary-Love, sauve les siens du déluge. Les Caskey se déchirent, car la forte femme s’empoigne avec sa mystérieuse belle-fille Eleonor.

Cette miss étrange semble croquée par Tim Burton, longtemps complice de l’auteur d’ailleurs, qui adapta son «Beetlejuice» puis se fâcha avec lui quand ils tentèrent de s’accorder sur «L’étrange Noël de M. Jack». Perchés entre les maux d’une éternelle adolescence et des envies de sagesse propre à l’âge adulte, ces deux-là semblaient faits pour s’entendre. Rien que ce rapport à l’enfance qui électrise de ses frustrations «Blackwater» comme un venin…
Michael McDowell (1950-1999) professait d’enfermer les ados dans des cagibis obscurs pour les abreuver de culture jusqu’à ce qu’ils pètent les murs. Militant contre l’hypocrisie bourgeoise, gay meurtri par le regard de ses concitoyens, rebelle dans sa chair et son âme… Ça se défend.
«Blackwater»
Michael McDowell
Éd. Monsieur Toussaint Louverture
«Miss Chat», deuxième dossier criminel

Enquêtrice à l’allure féline, Miss Chat évolue dans un univers de polar scandinave revu et corrigé avec une délicieuse fantaisie par Jean-Luc Fromental et Joëlle Jolivet. Après un premier tome remarqué l’an dernier, les deux auteurs remettent le couvert avec «L’affaire du lutin teint».

Toujours dissimulée sous un sweat à capuche aux oreilles de chat, l’héroïne de cette série BD jeunesse se voit sollicitée par un lutin vert, qui la paie pour qu’elle empêche un de ses cauchemars de se réaliser. Chemin faisant, Miss Chat va croiser un chiot bizarre, une éditrice revêche et le dauphin (ou plutôt la dauphine) Gordini.
L’écriture pétillante de Fromental et le dessin tout en finesse de Joëlle Jolivet font à nouveau merveille dans ce récit au suspense souriant, peuplé de personnages improbables.
«L’affaire du lutin teint»
J-L. Fromental et J. Jolivet
Éd. Hélium, 64 p.
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