Cinéma bucoliqueSuivez «Antoinette dans les Cévennes»
Invitation à un impromptu oxygéné avec la belle, son âne et son amant.
La réalisatrice Caroline Vignal ne craint pas les clichés, elle qui démarre son deuxième film avec l’éternel triangle de l’amante énamourée, du mari poltron et de l’épouse courage. Porté par des interprètes en état de grâce, notamment l’âne «Patrick», orphelin de naissance, «Antoinette dans les Cévennes» conquiert pourtant cahin-caha de petits sommets d’humour. Et même de philosophie humaniste dans un détournement inopiné d’«Au hasard Balthazar» du plus sérieux Robert Bresson.
«Marcher rend humble, dit son interprète Laure Calamy. Desproges disait: l’homme n’est que poussière, d’où l’importance du plumeau»
Calqué sur le voyage de Robert Louis Stevenson qui, mortifié par une peine de cœur, décida en 1878, de partir sur les chemins des camisards en solitaire, ce road movie a priori aussi convenu qu’une balade touristique, prend vite un détour inédit. Au deuxième jour, la Parisienne partie guetter son amant félon et sa petite famille en vacances, découvre que l’épouse sait tout de son cocufiage, qu’elle s’en moque et pire, qu’elle en a vu beaucoup d’autres. Balbutiant sa colère et pansant ses cloques, la «pauvre meuf» converse avec son baudet, se console entre rencontres insolites et paysages sublimes. «Marcher rend humble, dit son interprète Laure Calamy. Desproges disait: l’homme n’est que poussière, d’où l’importance du plumeau.»
Rien de neuf sans doute sous les couchers de soleil des Cévennes, où le farniente invite à la paix des ménages tandis que guette la nuit, la bête du Givaudan et autres fantasmagoriques créatures. Veille aussi la comédienne Laure Calamy, plus habituée aux seconds rôles – la voir dans la série «Dix pour cent» en secrétaire dingue de son patron. Déjà un homme marié… les scénaristes n’ont guère d’imagination mais l’Orléanaise ne manque pas de punch pour impressionner les Cévenols les plus rugueux sur les 200 kilomètres entre Monastier-sur-Gazeille et Saint-Jean-du-Gard.
Comme un sparadrap sur une ampoule
Muant dans «Antoinette dans les Cévennes» en Calamity Jane de poche, la brunette un peu perchée percute l’aimable pochade sentimentale et flingue la cible du western existentiel hilarant. La voir se laisser traîner par son âne comme un gibier de potence avant le goudron et les plumes, gourmander son animal avec des moues de pécheresse tentatrice ou tenir tête chapeautée d’un Stetson aux machos locaux avec de très dignes braiments. Si cette belle nature évoque souvent la performance de Karin Viard dans «Les randonneurs», ici, à l’épreuve du GR70, sa drôlerie tragique arrache. Comme un sparadrap sur une ampoule.
Comédie (Fr.,97’, 10/14) Cote: intéressant.
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