Seraina Rohrer aime les crise et affectionne les festivals
En romanche, Seraina veut dire «ciel clair et bleu», dit la directrice des Journées de Soleure.

Si Seraina Rohrer n'avait pas dirigé les Journées cinématographiques de Soleure, elle aurait été «médecin». Ou «violoniste». Ou «écrivain». Ou «réalisatrice». «Elle est comme un chat à sept vies, dit d'elle Frédéric Maire, le directeur de la Cinémathèque suisse, qui fut son boss à Locarno. J'ai rarement vu quelqu'un vivre aussi intensément.»
C'est justement dans l'antre du septième art du pays que cette Zurichoise polyglotte et voyageuse raconte tout ça. Dans ce Casino de Montbenon où l'un des gardiens du temple vient de nous montrer dans «ses» réserves les pellicules de La reine Margot de Patrice Chéreau ou de Par-delà les nuages de Michelangelo Antonioni et Wim Wenders.
Tant de cinéma pour quelqu'un qui, paradoxalement, était privé d'écran dans son enfance. «Pour mes parents, la télévision, c'était le diable. Ils l'avaient cachée dans une armoire. J'avais 6 ans lorsqu'ils ont fini par accepter de nous enregistrer Les Aristochats sur une VHS. Il manquait la fin. J'en ai pleuré jusqu'à ce que je puisse enfin constater qu'avec Walt Disney, les happy ends étaient toujours garantis.»
Dans cette famille où Seraina est l'aînée des quatre enfants, l'éducation est plutôt «hippie: la liberté et l'absence de règles pour mieux laisser l'individu se fixer ses propres limites. Même si le collectif familial demeurait la valeur la plus importante.» Avec d'autres anticonformistes, Papa tourne des «films en Super 8 pour changer le monde». Puis devient aide-soignant avant de bifurquer sur la psychologie et les feux d'artifice.
«J'ai toujours aimé les crises, les situations graves»
Maman, elle, est ergothérapeute. Atteinte de la poliomyélite, «courageuse et toujours forte, encore aujourd'hui», elle se déplace avec peine. «Je devais souvent m'occuper de la fratrie qui courait dans tous les sens. J'ai vite dû apprendre à organiser les choses.» Un sens des responsabilités qui s'intensifie encore quand la jeune femme devient elle-même mère à 19 ans. Qu'elle continue à travailler en parallèle de ses études. Que la petite famille s'en va en Californie ou à Locarno vivre d'autres aventures.
Éprise «de toutes les cultures», Seraina Rohrer se voit très vite fonctionner «comme une intermédiaire entre le public et les créatifs. J'ai toujours aimé les crises, les situations graves. C'est pour ça que j'affectionne tant les festivals. Avec leurs incontournables moments de tension. Comme dans tout bon film qui se respecte. A ce titre, Locarno ou Soleure sont des pourvoyeurs d'émotions: la rencontre entre le public et les artistes. Dans une atmosphère à la fois professionnelle et festive. La première fois que je suis venue à Soleure, j'ai vu un film très dur sur le sida et la mort. La ville était sous le brouillard. Je me suis engouffrée au Kreuz, le bistrot qui fait office de centre névralgique du festival encore aujourd'hui. Là où on peut débattre au lieu de rester seul avec ses sensations.» Seraina Rohrer a une vision ludique du cinéma. Pour la 52e édition, qui débute jeudi, cette dingue de musique – «PJ Harvey l'an dernier à Montreux, c'était un must» – fait venir des ingénieurs dans la ville baroque pour parler du son au cinéma.
Son premier film dans les salles obscures, c'était un Winnetou. Et le dernier, c'était Viva d'Anna Biller sur la plate-forme Mubi, qui diffuse des séries B introuvables via Internet. «C'est une fiction trash qui me ramène à ma thèse sur le cinéma populaire mexicain.» La Mexploitation, et son égérie «la India Maria», elle y consacrera d'ailleurs bientôt un livre.
Si Madame la directrice a donc sept vies émaillées de périples continuels, elle ne renie pas ses origines paternelles qui lui ont donné son prénom. «Je viens de Pontresina, dans les Grisons. C'est la patrie de la minorité des minorités.» Elle dit ça avec un regard azur, franc, bienveillant et déterminé sous des cheveux blonds tombant sur un top pétrole. Le sourire aux lèvres, toujours. En romanche, Seraina veut dire «ciel clair et bleu». «Cela vous va bien, non?» lui demande-t-on en guise de conclusion. «Oui.»
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