
Vernier, 8 mars
Après plus de deux siècles d’insouciance créative, l’universalité des encyclopédistes se connectait à l’univers des GAFA, concepteurs compulsifs d’innovations multimédias. Sans coup férir, le tangible savoir des Lumières rejoignait celui virtuel de gamers en recherche d’un monde parallèle. À son insu, Diderot, le philosophe, venait d’ouvrir en 1751 une brèche que le jeune informaticien Zuckerberg s’empressa d’exploiter à sa façon en l’an 2000. Concentrée en une même somme, la connaissance par métavers était née.
Alors que, hier encore, nous vantions les mérites d’un avant, vierge de toute numérisation, un monde virtuel s’installait en guide suprême du savoir. Aidé d’une intelligence artificielle suppléant aux insuffisances d’un passé cognitif jugé obsolète, un présent numérique reléguait au rang de has been un scriptural délaissé. L’«Universalis» des Lumières devenait le jouet d’un monde virtuel loin de l’académiquement correct. L’au-delà d’un web multifonctionnel remodelait l’envers d’un décor monocolore défraîchi.
Concepteurs de plateformes – automatisées, robotisées ou encore conversationnelles –, ces faiseurs de savoir comblaient un vide demandeur de prestations toujours plus sophistiquées. Mercantilisme oblige, avec une préférence pour le très prisé ChatGPT, capable de rédiger le jour même le master de votre choix. Addictive, cette facilité intellectuelle venait diminuer les mérites de lauréats besogneux. Désormais, les angoisses du Bac G devenaient liesses; ses nouveaux récipiendaires n’auraient plus à feuilleter les pages jaunies d’une encyclopédie en attente de curieux éclairés.
Alors, quelles peuvent être nos attentes dans un tel monde cyberorganisé? Qu’elles restent à l’affût de ce qui peut les sublimer et, surtout, qu’elles s’activent à redonner tout son sens à un savoir, où l’artificiel laisserait la préséance à une intelligence à jamais universelle! Là où un avant contrarié resterait connecté à un après en perpétuel devenir; scellant ainsi l’avenir d’un métavers, que rien ne pourrait ramener aux temps anciens d’un univers, qu’aucun penseur de 1751 n’oserait troquer contre un meilleur incertain.
Joseph Crelier
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