Rouge, un petit chaperon à l'humour très noir
Fred Polier monte une farce amorale de Camilo Pellegrini, «Chemins de sang», pour son bonheur et pour le nôtre.

Il était une fois, dans une contrée lointaine, une peuplade prosternée devant les déesses de la fête et de la jeunesse éternelles. Une jeune fille prénommée Rouge y vivait recluse avec sa génitrice honnie, qu'elle détroussa de ses économies avant de l'abandonner à son sort de bilieuse suicidaire. Partie à la ville pour retrouver, d'une pierre deux coups, sa mère-grand et le mâle qu'elle renifle à distance, Rouge rencontre en chemin un policier, qu'elle assiste dans l'accouchement de son coming-out. Échappé de son cocon, ce dernier, transformé en fée papillon, chaperonne en échange l'adolescente jusqu'au bout de ses péripéties. À savoir, essentiellement, se colleter avec mamie Adenaura, star du petit écran refaite des pieds à la tête, et avec l'amant d'icelle, un ex-footballer recyclé dans le business du pâté de foie. Mais ce Méchant Loup, tout désirable qu'il apparût aux yeux de la donzelle, lui réserve quelques coups bas de sa spécialité…
Le lecteur a cent fois raison de flairer le vieux conte remis au goût du jour. Sur le papier: par le truculent Camilo Pellegrini, jeune représentant de la Nova dramaturgia brasileira qui, dans ces «Chemins de sang» comme dans les deux autres volets de sa «Trilogie des assassins», parodie sans retenue les dérives de la société contemporaine. Et, sur le plateau de l'Alchimic, par Frédéric Polier (assisté de Lionel Chiuch), metteur en scène, comédien et ancien directeur de théâtres genevois, qui renoue ainsi avec son penchant tant pour l'exubérance latino-américaine que pour la farce irrévérencieuse.
Le Falstaff de la scène genevoise fait défiler quatre baladins dans son iconoclaste carnaval. Il faut voir la fidèle Camille Giacobino en octogénaire liftée qui règne sans partage sur son empire télévisuel – faux cils, perruques peroxydées et robes fourreaux à strass. On ne saurait trop insister: la diablesse n'a rien à envier aux humoristes que s'arrachent nos médias régionaux. Julien Tsongas, lui, quand il ne salive pas derrière son masque de loup garou, dodeline du bassin ou baratine en anglais pour séduire à la ronde. Quant au viril Angelo Dell'Aquila, il brûle les planches en force de l'ordre inverti. Charlotte Filou, enfin, conjugue l'agilité à la vulgarité comme seule la rue de Rio peut l'enseigner. Un excellent gag de part en part, donc, avec vidéos, musiques et chorés en rab, à savourer avec d'autant plus de plaisir qu'il ne se prend pas le chou – à l'image des artistes embarqués.
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«Chemins de Sang»
Théâtre Alchimic, jusqu'au 19 décembre, Réservation: au 022 301 68 38 ou sur alchimic.ch
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