La croissance. Tout se passe comme si on l’avait perdue en 2022. Les économies occidentales sont en mauvais état, minées par l’inflation, déstabilisées par les conséquences de la guerre de la Russie contre l’Ukraine. Et déprimées par les mesures protectionnistes et souverainistes qui fleurissent un peu partout.
Les gouvernements ont gelé les réformes qui stimulent l’activité économique et multiplient les mesures qui rassurent les populations. Est-ce un premier effet du vieillissement des populations, qui pousse les gouvernements à privilégier les mesures protectrices et les acquis?
«La légèreté du Conseil fédéral sur le dossier européen va assurément nous poursuivre en 2023, tout autant que l’atonie de la croissance économique.»
De fait, nous sommes entrés dans une phase de régression. Le taux de croissance à long terme des pays avancés a chuté brutalement. Il était encore de 2,25% entre 1980 et 2000. Il est aujourd’hui de 1% environ. La productivité, soit la richesse nette créée par heure travaillée, baisse de manière alarmante et sera proche de zéro en Suisse d’ici quelques années.
Deux écoles d’économistes s’affrontent. Les optimistes pensent que ces tendances lourdes ne sont pas inquiétantes; la productivité serait en réalité supérieure à ce que montrent les indicateurs classiques. En clair, malgré les évidences statistiques, les pays avancés parviendront à maintenir leur niveau de vie.
Les pessimistes, eux, parlent d’un déclin sociodémographique dangereux qu’il faut combattre par davantage de croissance et une immigration plus forte. Car contrairement à une idée reçue, le nombre de personnes qui migrent des pays pauvres vers les pays riches diminue.
Selon «The Economist», le solde migratoire net des pays pauvres vers les pays plus riches était de 6 millions en 2007; il est tombé à 4 millions en 2019. Le Royaume-Uni, qui a choisi de s’isoler de l’Union européenne et renvoyé des milliers de travailleurs dans leur pays, expérimente dans la douleur ce que la majorité des économistes avait prédit: une baisse brutale du niveau de vie.
À tel point qu’en 2022, une majorité de Britanniques est convaincue que le Brexit était une erreur! L’économie est probablement stupide, pour reprendre l’expression de Bill Clinton, mais ignorer ses mécanismes n’est pas sans conséquences… La légèreté du Conseil fédéral sur le dossier européen va assurément nous poursuivre en 2023, tout autant que l’atonie de la croissance économique.
La croissance et sa contestation. C’est l’autre thème qui monte, notamment auprès d’une partie de la jeunesse et dans les cercles académiques. Le respect des écosystèmes et des limites planétaires seraient incompatibles avec la croissance.
L’économie de marché (le capitalisme, pour simplifier) nous conduirait dans une impasse, qui ne pourrait être surmontée que par la décroissance. L’idée du progrès devient suspecte, notamment chez des adolescents angoissés par l’avenir de la planète.
Bref, pour la première fois de l’histoire, nous serions arrivés à un terme du développement sans limite. Cette idée, qui séduit beaucoup d’intellectuels, est fausse. Nous avons les outils (la science et les technologies) et les mécanismes (la démocratie et l’économie de marché) qui ont montré tout au long des siècles notre formidable capacité à résister et à nous adapter.
Grâce à l’innovation, les limites planétaires peuvent être respectées, même si on a perdu beaucoup de temps à réagir. La croissance n’est pas la coupable. Ce sont les règles que nous décidons collectivement qui importent.
Un monde sans croissance entretient l’illusion d’une solution simple pour une humanité vieillissante qui aura besoin du génie humain pour satisfaire les besoins élémentaires des plus pauvres; quitte à imposer, sans baisse de confort, le principe de sobriété aux plus nantis. L’éclairage LED versus l’ampoule à filament, en quelque sorte.
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Briefing – Retrouver le goût pour la croissance!
La stagnation économique va peser lourd en 2023. Mais désire-t-on renouer avec une croissance économique tant décriée?