Ramzy Bedia: «Je comble les silences avec des pirouettes»
Le comique français n'a pas choisi la facilité pour «Une vie ailleurs». Rencontre avec un vrai sensible.

Il passe et repasse sa main sur son crâne, où ses cheveux, sacrifiés sur le tournage de Spirou et Fantasio, sont en train de repousser. Ramzy Bedia (45 ans) n'a pas besoin d'Eric, son alter ego comique, pour exister, mais on sent que le comédien se retient à chaque question de répondre par une pirouette. Simple réflexe ou désir profond de protection? Il est en tournée pour parler de Mehdi, cet assistant social qu'il campe avec finesse dans Une vie ailleurs d'Olivier Peyon aux côtés d'Isabelle Carré. L'histoire dramatique d'une mère au khôl violet qui coule sous un regard en permanence dans le vide. Désespérée, elle est prête à tout pour retrouver son enfant enlevé par son père. Un rôle sérieux, difficile, qui le révèle dans un registre qui lui va à ravir.
L'étiquette «comique» vous colle à la peau. Vous pensez qu'après ce film, ce sera fini?
Mais je n'ai pas envie que ça cesse! On peut faire les deux, non?
Vous le faites plutôt bien. Comme s'il y avait un Ramzy Bedia et un Ramzy tout court.
Ah vous avez vu, hein comme je le fais bien? Je suis un des plus forts…
Gérer des situations difficiles – ou des questions un peu plus profondes – sans utiliser l'humour, c'est dur?
Oui. Surtout parce que je suis comme ça dans la vie de tous les jours et tous les films que j'ai faits jusqu'à maintenant sont pleins de blagues. Je suis incapable de laisser des silences, je les remplis de pirouettes. Et là sur le tournage en Uruguay, jour après jour, inlassablement, quand je le faisais, Olivier (ndlr: Peyon, le réalisateur) me reprenait calmement: «C'est très bien, mais tu enlèves tout ça». Et à force d'élaguer jusqu'au dernier jour, on est arrivés à quelque chose de pas mal.
Il avait pourtant pris le risque de vous caster…
Oui, mais tout autour de lui, à part lui et Isabelle Carré, personne ne voulait de moi. Bon, le front anti-Ramzy ne devait pas être si fort, vu que j'ai fini par le faire.
Et nous faire oublier le comique…
Merci, parce que j'avais cette crainte. Certainement aussi parce que quand je suis spectateur et que je vois un comique, j'attends la chute tout au long du film.
Vous avez dû forcer votre jeu?
Non, j'ai oublié tout ça. On était dans cette petite ville uruguayenne au milieu de rien et je ne pensais plus à comment les gens allaient me percevoir. J'étais un comédien normal. Point.
Qui n'a pas reculé devant les difficultés, puisque vous jouez essentiellement en espagnol et en plus face à un enfant.
Jouer sérieux, je ne m'en suis pas rendu compte parce qu'heureusement, nous étions en vase clos, loin de tous mes repères habituels. Jouer avec un gamin, cela ne me pose pas le moindre problème. J'ai deux filles, je sais leur parler, comment ne pas les vexer, comment aller dans leur sens. Et je sais jouer au foot, c'est comme ça que Mehdi amadoue Felipe. C'est tout con. Je ne sais pas ce qui se passe dans l'esprit de l'être humain mais quand on lui envoie un ballon, il le renvoie et l'échange se fait. J'étais un vrai fan du Paris Saint-Germain, un fou du ballon rond. Je n'arrêtais pas de répéter après le tournage des Seigneurs que j'étais le seul acteur (ndlr: Joey Starr, Omar Sy, Franck Dubosc, Gad Elmaleh et José Garcia) qui n'avait pas eu besoin d'une doublure pour les scènes techniques… Et là, soudain, le foot ne m'intéresse plus que par son aspect simple de lien universel entre les gens. Et pour revenir à votre question, je parle espagnol depuis l'école, comme tout le monde, non?
En plus, dans ce film dont l'action se déroule loin de la France, vous ne jouez plus l'Arabe de service.
C'est vrai et c'est très agréable d'échapper à ce genre de catégorisation systématique. Dans Une vie ailleurs, je suis un humain tout simple qui se pose des questions, qui cherche à aider, à trouver la meilleure solution possible. Mehdi avance avec douceur en marchant sur des œufs pour ne blesser personne, je suis assez comme ça dans la vie. En plus marrant, bien sûr!
Quelle a été votre première réaction à la lecture d'un scénario finalement assez dur?
J'ai été très touché. Je pense que chacun a des histoires comme ça dans son arbre généalogique. En fait, c'est tout simple: ce film dit qu'une famille, c'est pas forcément un papa, une maman et un enfant avec un chien, un pavillon, une voiture break et une niche! Moi je ne veux rien de tout ça. J'ai fait en sorte que ma vie ne ressemble pas du tout à ça! J'ai eu une femme (ndlr: l'actrice Anne Depétrini), j'ai deux filles et là j'ai une amoureuse avec laquelle je suis très heureux.
Contrairement à Sylvie, le personnage joué par Isabelle Carré.
Elle a vu son fils lui échapper et veut le récupérer à tout prix en fonçant comme un petit taureau qui refuse d'accepter qu'il mène une chouette existence avec ses potes en Uruguay. Sa quête est désespérante. En plus le film est inspiré d'une histoire vraie. A l'avant-première à Paris, j'ai rencontré le vrai Felipe, qui a aujourd'hui 40 ans. C'était bouleversant.
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