Sorties cinémaQuels films aller voir cette semaine?
«Des hommes» mais aussi «Villa Caprice», «Vaches sur le toit», «Petite maman», «Chacun chez soi»…
«Des hommes», une réussite avec Darroussin, Depardieu et autres monstres

C’est un film qui prend très vite à la gorge. Un de ces drames d’obédience rurale buriné par la présence de comédiens forts en gueule. Depardieu y est massif, dans tous les sens du terme. Tonitruant, prêt à exploser. Dans la même infusion bout une Catherine Frot plus sèche, retranchée derrière un masque social qu’elle laissera tomber lorsque le passé reviendra l’assaillir.
«Des hommes», c’est la tragédie au présent d’une famille et d’amis marqués à jamais par un épisode de leur passé, les plaies non pansées de la guerre d’Algérie. Lucas Belvaux est un cinéaste de l’humain. Dans tous ses films, il observe les individus, le microcosme dans lequel ils évoluent.
C’est encore plus frappant dans «Des hommes», par l’aspect ramassé du récit, qui n’excède pas une journée, et par cette manière de filmer au plus près des personnages, d’essayer de les radiographier. D’où un certain minimalisme intéressant dans une partie du métrage, celle qui se déroule à notre époque, alors que tous les flash-backs s’apparentent au film de genre, notamment de guerre.
De cette alternance naît une harmonie, un équilibre. Parallèlement à sa progression, le film se veut de plus en plus rassurant. De plus en plus doux, aussi. Une franche réussite. Pascal Gavillet
Note: ***
«Villa Caprice»

Au Festival de Bienne l’an dernier, Patrick Bruel défendait «Villa Caprice» en artisan fier de sa belle ouvrage. Dans le costard un peu pourri d’un affairiste surdoué, l’acteur excelle face à Niels Arestrup, ténor du barreau rompu aux magouilles machiavéliques. Jusqu’où perdre son âme, à quel prix la vendre au diable?
Pour ce businessman revenu de tout, la Villa Caprice matérialise un ultime trésor, et tant pis pour la corruption. Pour l’avocat, le sauvetage d’un escroc ne devrait pas poser problème… sauf que justement, ce maître tonitruant a une conscience, intacte malgré ses appétits sexuels et ambitions sociales. Toute une vie s’esquisse en contre-point, un vieux père mourant notamment, joué par Michel Bouquet.
L’architecte de cet affrontement monstrueux, Bernard Stora, revient à la mise en scène après 20 ans passés à fignoler des scénarios pour les autres. Formé auprès des anciens, les Clouzot, Verneuil et autre Melville, ce surdoué discret charpente son affaire avec une élégance vénéneuse. L’intelligence de la mise en scène épate ici à chaque instant tandis que dans ce cadre à la beauté fallacieuse, Arestrup et Bruel déploient la dangerosité des grands fauves. Cécile Lecoultre
Note: ***
«Vaches sur le toit»

Le cinéaste Aldo Gugolz est né en 1963, quand les hippies venaient se perdre dans les vallées reculées au pied des Alpes tessinoises pour y fabriquer du fromage à l’ancienne. Aujourd’hui, le réalisateur y filme Fabiano, 38 ans, tout juste père, qui applique le mode de vie marginal de ses parents. Si l’éleveur respecte leur idéal, l’entrepreneur se débat avec les contradictions engendrées. Ainsi des travailleurs au noir pour éponger les dettes.
Ces dernières années, les mutations de la paysannerie ont beaucoup inspiré, voir Guillaume Canet et «Au nom de la terre», Cédric Klapisch et «Ce qui nous lie», ou encore «Petit paysan» d’Hubert Charuel, triplement césarisé en 2017. Autant dire que le sillon a déjà été labouré. Pourtant, «Vaches sur le toit» creuse un sillon inédit.
Sociologue autant que cinéaste, Aldo Gugolz élargit le champ. Ainsi observe-t-il, la génération qui a suivi les grands bouleversements sociaux des années 70, a grandi dans un modèle contraignant. Malgré ses habits libertaires, la société l’a piégée dans son projet utopique. Ces héritiers désormais quadragénaires, dit le Lucernois, vivent sur le fil du rasoir à l’âge où les choix se sont opérés, les portes ouvertes ou refermées. «Vaches sur le toit» réussit à maintenir une poésie inédite sur ce vague à l’âme, grâce sans doute, à une «vista» formidable. C. LE
Note: ***
«Chacun chez soi»

Sur un air de déjà-vu, une petite comédie bobo où Michèle Laroque, actrice et productrice pourtant souvent inspirée, se révèle piètre réalisatrice. L’histoire? Quand Yann, à la retraite, ne vit plus que pour ses bonsaïs, que leurs grands mômes viennent squatter l’appartement, Catherine déprime. Depuis le temps qu’elle rêvait de voyages en amoureux avec son vieux mari… Du sous-«Tanguy» que des acteurs sympas ne sauvent pas. C. LE
Note: °
«Petite maman»

La réalisatrice cérébrale Céline Sciamma s’offre un conte mais ne transcende pas ses prétentions auteuristes. Dans une courte parenthèse fantastique, la cinéaste revisite l’enfance. Las… rêver de Buñuel ne suffit pas à dissiper les longueurs de l’artifice. Dans une forêt très psychanalytique, une petite fille croise la gamine que fut jadis sa mère. Elles jouent, discutent, règlent leurs comptes. Le processus ne convainc pas vraiment malgré les petites soeurs qui officient en actrices gracieuses. C. LE
Conte (Fr., 71’). Cote: 1 étoile (Pas si mal).
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