Sorties cinéQuels films aller voir cette semaine?
Un grand film japonais, un biopic sur les soeurs Williams, et le retour de «Matrix» sont notamment au menu de ce mercredi.
«Drive My Car»

Attention, œuvre majeure. «Drive My Car», adaptation d’une nouvelle de Murakami, film-fleuve de près de trois heures, est structuré autour de deux personnages, un metteur en scène et une jeune femme qui lui sert de chauffeur. Cohabitation forcée de deux tempéraments, de deux univers, de deux regards. Les deux personnages ont pourtant des blessures communes, des pertes à combler, des douleurs enfouies. Sélectionné en compétition à Cannes cette année, le film de Ryusuke Hamaguchi (déjà venu au festival avec «Asako I & II») a longtemps fait figure de favori.
Le motif du faux road-movie se déploie comme une ondulation, une série de vagues que doivent traverser les deux personnages. La réflexion sur la solitude s’accompagne ici d’une méditation sur le théâtre traduite par une mise en scène aussi délicate que rigoureuse. On en ressort chancelant de bonheur, en priant de découvrir semblable film chaque semaine.
Cote: ****
«La Méthode Williams»

C’est l’histoire vraie des sœurs Williams, devenues des stars de la planète tennis grâce notamment à l’obstination de leur père. Notamment? Oui, car l’homme est impossible. Le vrai héros de «La méthode Williams» («King Richard»), c’est lui, incarné par un Will Smith visiblement heureux d’offrir une face sombre et cachée. Géniteur imbuvable, tyran de paille et bourreau de travail, il a élaboré un vaste plan pour que ses deux filles (non adoptives, il en a cinq en tout) deviennent des déesses du tennis. C’est donc une success story à rebours, digérée par un autre point de vue, que conte ce film de Reinaldo Marcus Green, dont la réalisation demeure très impersonnelle en dépit des efforts.
Globalement, ce long-métrage, qui aurait gagné à subir quelques coupes au gré de ses longueurs, est une excellente initiation au monde du tennis et l’intérêt ne faiblit presque jamais. En même temps, nous sommes là dans un biopic relativement classique, sans temps mort ni aberrations, et qui s’arrête au moment où survient la consécration. Un joli spectacle.
Cote: **
«Un héros»

Asghar Farhadi est un homme heureux. Son film est un gros succès en Iran, et à Cannes, on parlait de lui pour la Palme d’or. Qu’il n’a pas eue, c’est la vie! Mais son film a plu à la presse, qui a souligné l’intelligence d’un scénario dénonçant l’impact des réseaux et la cupidité. Voilà «Un héros». Un film de bon élève, appliqué, qui délivre une copie sans faute. Depuis ses débuts, le cinéaste iranien fonctionne ainsi. Ours d’or à Berlin, sélection puis ouverture à Cannes (le pénible «Everybody Knows») et retour. Sans quitter sa zone de confort. Sans briguer la poésie. Trop lisse, au final.
Cote: *
«Matrix: Resurrections»

Ce quatrième opus, intitulé «Matrix Resurrections», débute comme si rien n’avait vraiment existé. Sinon dans la tête d’un homme, le bien nommé Thomas Anderson, alias Neo, concepteur d’un jeu vidéo révolutionnaire, «Matrix», qui a été un carton interplanétaire. Mais Anderson, lui, aurait tout oublié. Envahi par d’étranges rêves, il va régulièrement consulter un psy pour les lui raconter. Et puis c’est tout. Ou presque. Car à partir du moment où la ligne de partage entre monde réel et métavers, rêve ou réalité, se met à devenir floue, le monde «matrixien» reprend ses droits. L’idée motrice de ce quatrième opus, à nouveau signé par des Wachowski qui ont accompli leur transition – de frères devenues soeurs, cas unique dans l’histoire du cinéma -, est bien celle d’une perturbation narrative constante. La voie scénaristique creusée en devient vertigineuse – et ce n’est pas un hasard si les motifs de la chute dans le vide et du suicide sont si omniprésents. Vertigineuse et extrêmement complexe, comme du reste pouvaient l’être les trois premiers volets de la franchise.
Tout cela n’empêche paradoxalement pas la lisibilité, puisque le film se met à fonctionner à son tour comme un vaste jeu vidéo. Visuellement, le film ne cherche pas à en faire trop, et aucune scène ne vient égaler celle de la longue bataille contre les Machines dans «Matrix Revolutions» en 2003. Cet opus ne donne ni dans la surenchère ni dans l’outrance, l’action y est mesurée, par instants en retrait, mais s’y développe en revanche un humour qui n’était pas perceptible dans la trilogie d’origine. La tendance qu’avaient les personnages à asséner des grandes vérités philosophiques bien creuses dans les trois premiers volets semble en partie s’estomper. La distance ne fait pas de mal, et le sérieux papal des héros s’évapore au gré du métrage. Tout cela concourt à faire de ce film un vrai spectacle qui peut aussi bien se voir comme un film indépendant que comme un complément inédit à tout ce qu’on connaissait.
Cote: ***
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