
Grand-Saconnex, 27 juillet
Je réagis à votre article du mardi 26 juillet, qui met en évidence le fait qu’à Genève des personnes seules millionnaires paient davantage d’impôts que partout ailleurs en Suisse, alors que les moins bien lotis seraient avantagés puisqu’ils ne paient rien ou très peu.
Cette présentation des choses, certes objective, est à mon sens biaisée et dangereuse, car elle incite le lecteur à en conclure que les premiers devraient voir leur imposition baisser (c’est ce que veut d’ailleurs demander la droite avec son projet de baisse d’impôts des personnes physiques de 5%) et que les seconds devraient passer à la caisse.
Or, il faut avoir en tête qu’avec un coût de la vie le plus élevé de Suisse (nous avons dépassé Zurich!), les inégalités de revenus sont à Genève 50% plus marquées qu’en moyenne suisse (cf. Office cantonal de la statistique de décembre 2019, et indice GINI – qui mesure ces inégalités – montrant que si la Suisse se situe dans la moyenne des pays de l’Union européenne à cet égard, Genève se rapproche du taux des États-Unis, souvent dénoncés pour leurs très fortes disparités sociales et les vives tensions qu’elles produisent). Il ne faut pas non plus oublier qu’avec près de 40% d’imposition fiscale, notre millionnaire est certes fortement taxé, mais qu’il le serait davantage dans certains autres pays, que sa prime d’assurance maladie n’est pas plus élevée que celle du plus pauvre, contrairement à ce qui a cours partout ailleurs, et qu’il appartient à la partie de la population qui s’est plutôt enrichie lors des deux dernières années alors que beaucoup se sont appauvris.
Or, plus les inégalités sociales augmentent, plus l’État a de dépenses à consentir – qu’il ne sera peut-être bientôt plus en capacité d’assumer –, et plus la cohésion sociale se délite (augmentation de l’insécurité et des mécontentements), ce qui n’est bon ni pour l’attractivité de Genève (qui serait mise en péril par la fiscalité alors que la cherté du logement est un élément bien plus déterminant!), ni certainement pour les affaires de notre millionnaire.
Jacques Morard
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Lettre du jour – Quelles disparites fiscales?