Quand les robots feront notre travail
Selon les études, entre 10 et 50% des emplois pourraient disparaître en raison des mutations technologiques. Vraiment?

Dans les centres commerciaux, les caisses automatiques remplacent les employés. En Syrie, les Etats-Unis envoient des drones plutôt que des soldats. Ailleurs, c'est une machine qui nettoie le sol, une autre qui réalise des opérations chirurgicales et une autre encore qui conduira, demain, des taxis devenus autonomes. Bref, des chaînes de production aux cols blancs, la robotique et l'intelligence artificielle (IA) gagnent du terrain. Jusqu'à mettre toute l'humanité au chômage? Bill Gates, qui soutient l'instauration d'une taxe robot, le craint.
Mais les études sur le sujet divergent. En 2013, des chercheurs de l'Université d'Oxford prédisaient que 47% des emplois américains possédaient un haut risque de disparition en raison de l'automatisation de la société. Dans un rapport publié le 12 janvier, le Conseil d'orientation pour l'emploi français (COE) se montre moins pessimiste: «seulement» 10% seraient menacés. Qu'en est-il vraiment? «Lorsque l'on regarde ces études, on s'aperçoit qu'il n'y a pas grand-chose derrière ces chiffres, souligne le professeur Jean-Gabriel Ganascia, expert en intelligence artificielle à l'Université Pierre et Marie Curie, à Paris. Il ne faut pas tomber dans une forme de catastrophisme.»
Une balance négative
Ce qui est sûr, néanmoins, c'est que certains jobs vont disparaître. «Chaque révolution industrielle, et nous en vivons une actuellement, s'accompagne d'une destruction d'emplois, explique Philippe Souères, responsable du département robotique au laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes (LAAS), à Toulouse. Mais de nouvelles fonctions se créent en parallèle. Le métier à tisser, par exemple, a conduit à une révolte ouvrière au XIXe siècle en raison des licenciements que son apparition a occasionnés. Mais, en même temps, il a permis de développer l'industrie textile que nous connaissons aujourd'hui. Une société qui évolue transforme ses emplois.» Dans son ouvrage «Le cycle des affaires», publié en 1939, l'économiste Joseph Schumpeter a ainsi montré que les vagues d'innovations technologiques détruisent des professions dans les anciens métiers avant d'en créer dans les nouvelles industries – le résultat global s'avérant toujours positif. «La question est donc de savoir si cette fois le bilan sera positif ou négatif», souligne Jean-Gabriel Ganascia.
Les humanoïdes restent un rêve
En septembre 2015, une étude du cabinet Forrester, intitulée «The Future Of Jobs, 2025: Working Side By Side With Robots», a estimé que l'automatisation de l'économie entraînera la disparition de 16% des emplois aux Etats-Unis d'ici à 2025, tout en engendrant 9% de nouveaux postes. Soit une perte nette de 7%. L'enquête «The future of jobs», dévoilée lors du Forum de Davos en janvier 2016, parvient à la même conclusion sur le marché européen. Mais pourquoi la «quatrième révolution industrielle» afficherait-elle une balance négative alors que toutes les précédentes possèdent un bilan positif? «Il existe une différence fondamentale: cette fois, les machines sont capables d'apprendre, répond le Philippe Dugerdil, responsable de la recherche à la Haute Ecole de gestion de Genève (HEG-GE). Elles vont donc entrer en compétition avec de nouvelles fonctions, qui ne sont pas seulement manuelles.»
Reste à savoir quelles professions seront réellement touchées par l'automatisation de la société. Sur ce point, les spécialistes s'accordent: «Toutes les tâches répétitives, réalisées dans un environnement prévisible, sont menacées», détaille José Ramirez, professeur d'économie d'entreprise à la HEG-GE. Sans surprise, les cols bleus pourraient encore payer une partie de la facture. A Toulouse, les chercheurs du LAAS ont présenté en février Pyrène, un robot humanoïde de nouvelle génération, capable de bouger, de se servir d'outils et d'effectuer des actions complexes, telles que visser ou percer un trou. De quoi inquiéter les salariés d'Airbus, société proche du laboratoire. Mais Philippe Souères, l'un des concepteurs de Pyrène, se veut rassurant: «On peut imaginer dans le futur des robots ouvriers dans les usines d'Airbus ou aidant les personnes à domicile dans leur quotidien. Mais c'est encore de la science-fiction. En matière d'humanoïdes, nous n'en sommes qu'à la préhistoire. Programmer un robot pour qu'il ouvre une porte reste très difficile.»
Acceptation sociale
L'inquiétude provient surtout de l'IA qui s'installe partout, de nos smartphones à nos voitures. «Les métiers dans lesquels beaucoup de données numériques sont disponibles, comme le b.a.-ba de la comptabilité en entreprise, sont menacés, souligne José Ramirez. A l'inverse, les jobs qui demandent une forte interaction sociale sont protégés. Les machines ne sont que des outils statistiques. Elles ne comprennent rien au monde.» Et ce n'est pas parce qu'un salarié peut être remplacé par un algorithme qu'il le sera réellement: «L'acceptation sociale est très importante, souligne Jean-Gabriel Ganascia. Même si cela était techniquement possible, je ne pense pas que les gens soient prêts à aller voir un médecin robot.» Et dans certains domaines, il n'est pas exclu que des retours de bâtons se produisent: «Regarder l'agriculture. Les gens sont actuellement en demande d'une plus grande proximité avec les producteurs, d'exploitations plus petites et moins industrielles, souligne José Ramirez. Dans d'autres domaines, aussi, le besoin d'interaction humaine pourrait empêcher les machines de s'installer.» Les clients nostalgiques du sourire de la caissière comprendront.
Symposium «Mon collègue est une machine»: jeudi 23 mars à la HEG-GE. Inscription et renseignements: www.hesge.ch/heg/symposium
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