Tournoi de foot de rueQuand les quartiers genevois s’affrontent balle au pied
La Street Youth League oppose des jeunes de différents quartiers au football de rue. Reportage aux Pâquis, où se tenait l’avant-dernière journée de la première édition.

Samedi matin de contrastes aux Pâquis. Alors qu’au loin, les voiles des bateaux du Bol d’Or peinaient à se bomber face au manque de vent, l’énergie ne manquait pas sur le petit terrain de football en béton de la place De-Chateaubriand.
Sur fond de rap diffusé par un jeune DJ, différents quartiers de Genève se sont fait face balle au pied toute la matinée à coups de dribbles et passements de jambe. Le projet de la Street Youth League, un championnat de foot de rue itinérant, a été créé à l’initiative de l’association Gennecy Bricks en collaboration avec des maisons de quartier. Il regroupe huit équipes de jeunes représentant leurs quartiers: Avanchets, Carouge, Eaux-Vives, Gennecy, Lancy, Onex, Pâquis et Plan-les-Ouates.
«Le foot de rue n’a rien à voir avec le foot à onze», expliquent en chœur les joueurs des Avanchets, qui venaient de s’imposer face à Onex dans une confrontation serrée. «Il y a peu d’espaces, il faut être technique. On n’a pas une seconde pour respirer.» D’une durée de trente minutes, les matches se tiennent à trois ou quatre joueurs de champ plus un gardien, selon le format du terrain.
Ce samedi, on jouait sur de l’hostile béton. Le terrain est entouré de murets prêts à s’attaquer aux tibias qui s’en approcheraient trop. Heureusement, un projet de rénovation «pour et avec les jeunes» est prévu, raconte Nelson Brás Gonçalves. Casquette vissée sur la tête, l’animateur socioculturel de la maison de quartier des Pâquis a les yeux partout: sur les matches, sur l’organisation et sur les jeunes pour s’assurer que l’ambiance reste bonne.
Cet événement inédit a permis de faire se rencontrer des groupes qui ne se fréquenteraient pas, ou pire, qui seraient en conflit. «C’était tendu ces derniers temps entre deux groupes rivaux, et là, ils jouent les uns contre les autres sans animosité», se félicite Nelson Brás Gonçalves.
La vanne facile
Sur le terrain, mais surtout depuis son bord, ce sont les vannes qui dominent. Une attitude qui fait partie intégrante de ce sport. Chaque geste technique est accompagné de cris du public. La victime d’un petit pont (ndlr: lorsque le ballon passe entre les jambes), humiliation ultime, se fera inévitablement chambrer.
Micro en main, un professionnel de l’humour était d’ailleurs présent pour commenter les matches. Entre deux dates de sa tournée, Nadim Kayne a commenté les actions et distillé ses blagues. Le nombre surprenant de baskets mal attachées et qui se sont envolées en pleine action lui a offert du matériel facile.
«Je dois trouver le bon niveau entre mettre l’ambiance en chambrant, mais aussi faire attention à ne pas trop afficher quelqu’un et que cela s’envenime», explique le natif des Avanchets. Car si l’ambiance est restée bonne, les travailleurs sociaux étaient à l’affût de toute potentielle montée de tension.
Un responsable par équipe
Chaque équipe est suivie par un responsable chargé de cadrer l’énergie des adolescents et jeunes adultes en compétition (les joueurs ont entre 15 et 25 ans). «C’est bon, calme-toi», lâche un accompagnateur et entraîneur du jour à un de ses joueurs, mécontent de la performance d’un coéquipier. «Mais frère, sors-le, il a trop mal joué.»
Côté résultats, les Pâquis étaient imprenables, chez eux comme à l’extérieur. L’équipe, avec son «01» dans le dos, pour le code postal du quartier (1201), a remporté la totalité de ses confrontations et termine en tête du classement. La dernière journée, le 18 juin à Avully, définira le champion sous un format de «play-off», en avance sur les professionnels de la Super League de football, qui adoptera un fonctionnement similaire dès la saison prochaine. C’est peut-être pour cette raison que l’entraîneur du Servette FC, Alain Geiger, a été aperçu lors de la journée organisée aux Avanchets, ou simplement par amour pour un sport brut, si éloigné du foot business.
Des organisateurs, aux joueurs, en passant par le public: tout le monde espère voir l’expérience rééditée. «Dans deux ans, on pourra jouer», glisse, excité, un jeune spectateur carougeois à ses amis. La relève est assurée.
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