Exposition musicale à GenèveQuand la Bibliothèque de la Cité fait pop!
Une expo, modeste par la taille mais inouïe quant à l’ambition, explore l’insondable «Galaxie pop». Visite.

Proposer l’exploration d’un univers incommensurable en deux petites pièces de quelques mètres carrés, c’est osé. Voire résolument culotté. L’univers, en l’occurrence, c’est celui de la musique pop; les deux pièces, celles du rez de la Bibliothèque de la Cité. Voilà donc la nouvelle expo que propose l’institution genevoise jusqu’à l’été prochain. «Galaxie pop» – c’est son nom - entend donc cartographier un domaine musical sans frontières, sans formes, sans fin même. Voyez le défi.
Car, oui mon ami, la pop music est bien un monde infini. Historiquement, la chose est certes envisageable. ça démarre véritablement dans les années 50 et ça chantonne jusqu’à nos jours. Géographiquement, ça se corse un peu. Peu de coins du monde n’en produisent pas. Stylistiquement, c’est la fin des haricots. The End Of the Beans, comme disent les Anglo-Saxons. Entre la britpop et la synthpop, la K-pop et la J-pop, la dream pop et la tropipop, l’avant-pop et l’indie pop, la jungle pop et la noise pop, l’emo pop et l’anorak pop (si, si, on n’invente rien), une chatte pop n’y retrouverait pas ses chansons.
Des masses de gens
Tiens, et si nous commencions par définir la chose? Pas facile, certes. «Évidemment, il existe autant de définitions que de styles», sourit Philippe Pellaud, alias Kid Chocolat, musicien et programmateur, cocommissaire de l’exposition avec Nicolas Julliard, musicien itou et journaliste. «Pop est une abréviation de populaire. Pour moi, tout découle du phénomène Beatles. Brusquement, une musique donnée s’est mise à parler à tout le monde. La pop se doit donc de toucher des masses de gens. Voilà ma définition. Là où ça se complique, c’est quand le terme s’est mis à désigner des genres de niche, qui n’intéressaient qu’un public restreint.» Un groupe pop qui vend dix disques l’est-il vraiment, pop?
L’expo, habilement architecturée par la scénographe Catherine Nussbaumer, tente d’éclairer les trois dimensions du phénomène: l’histoire, la cartographie et les déclinaisons stylistiques. Une timeline égrène, années après années, les étapes marquantes, en pointant notamment les innovations technologiques qui ont façonné l’écriture musicale. Voilà ensuite le mur, tout rose, des chapelles et écoles, agrémenté de playlists idoines à savourer (ou pas) au casque. Puis une carte du monde, avec les villes phares – Londres, New York, Berlin, Liverpool… – mais aussi d’autres berceaux de déclinaisons inédites, voire insolites. Qui s’est déjà plongé dans le son de Séoul ou de Nagoya peut en témoigner.
Il y a aussi un bas-relief des rois et reines de la pop autoproclamés; une tablette pleine de samples où le visiteur peut bidouiller son propre tube; un échafaudage de télés vintage avec des clips dedans. L’exposition s’achève dans un faux magasin de disques (assez déplumé et hétéroclite), où quelques figures ou anonymes genevois citent leur album pop fétiche.

En partant, n’oublions pas de rafler le fascicule édité pour l’occasion, fort dense et docte, où les deux commissaires détaillent les thèmes abordés dans l’exposition. Panorama touffu des différentes facettes du genre, émaillé de quelques milliards de noms d’artistes et de groupes, ce texte-là pourrait faire l’objet d’un livre tout aussi solide que la majorité des ouvrages traitant de musique populaire qui pullulent en librairie. Certes, çà et là, certaines références, ou absences criantes, font tiquer l’amateur. Nos chers Young Gods font-ils vraiment de la… pop? Mais où sont les Rubettes, Badfinger ou Cheap Trick? Hein?
«Il manque des courants majeurs et mille détails pourraient être peaufinés», s’excuse Philippe Pellaud, pas vraiment penaud, d’ailleurs. «Mais en nous attaquant à une telle entreprise, nous savions bien que le résultat ne pouvait que faire sursauter les fans, puristes et spécialistes. L’exhaustivité est impossible. Et c’est d’ailleurs ce qui rendait le projet assez ludique. Nous voulions aussi nous amuser, rester légers.» Légers comme ces refrains pop qui virevoltent gentiment dans nos mémoires.
«Galaxy pop», Bibliothèque de la Cité, du mardi au samedi dès 10 h, jusqu’au 24 juin.
À noter: une foule d‘événements pop ces prochains mois. À commencer par une «conférence gesticulée»: «La naissance du hip-hop racontée aux personnes du 3e âge», le 24 à 15 h 30. Puis un atelier de DJing avec Ka(ra)mi le 28 à 15 h. Programme complet: https://bmgeneve.agenda.ch/fr

Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.