Comédie à sketchsPrises de bec en série au Théâtre de l’Espérance
Dix auteurs offrent à Gaspard Boesch et Sabrina Martin l’occasion de s’embrouiller.

Elle le fusille du regard. Lui, penaud, n’en mène pas large. Ça ne va pas fort entre Anne et Eric. Interprétée par Sabrina Martin, la première s’exprime d’un ton cassant, raccord avec son personnage de responsable RH exaspérée. Prétendument collaborateur au service client d’une hot-line, Gaspard Boesch passe pour sa part de l’assurance au désarroi. Il s’est emporté contre une cliente. «J’ai dérapé», concède-t-il. «Il y aura des conséquences», assure-t-elle.
Savoureuse prise de bec que celle-ci. Signée par l’auteur vaudois Mathias Urban, cette courte séquence de conflit fait partie d’une comédie à sketchs présentée au Théâtre de l’Espérance. Dix auteurs romands ont planché sur le thème du clash, titre donné à cette dernière pièce de la saison Confiture. Écritures singulières et hétéroclites, à l’image de Marie Fourquet, Jérôme Richer, Philippe Cohen ou Dominique Ziegler, pour n’en citer qu’une poignée.
Projet rassembleur
«L’année dernière, en plein confinement, j’ai eu envie d’un projet rassembleur», raconte Gaspard Boesch, à l’origine de ce spectacle mis en scène par Céline Goormaghtigh. Avec elle et Sabrina Martin, le comédien genevois a listé les plumes avec lesquelles ils souhaitaient collaborer depuis toujours, ou à nouveau. Aux heureux élus, le trio a fait parvenir une série de contraintes pour l’élaboration de leurs scénarios.

Parmi celles-ci, un thème commun – l’incident électrique – susceptible par ses propriétés attractives et répulsives d’alimenter récits et mise en scène. Enthousiastes, les participants de «Clash» ont respecté les règles, sachant que le conflit qu’ils imaginaient pouvait prendre toutes les formes possibles, et pas seulement, voire pas du tout celui d’une bataille de couple. «Il s’agit plutôt d’une rupture au sens large», précise Céline Goormaghtigh. «Chacun des textes permet d’envisager la fâcherie de manière différente.»
«Il faut entrer tout de suite dans le vif du sujet. L’exercice du sketch, c’est très comparable à la pratique du court métrage.»
«L’exercice était difficile, mais stimulant», relève Gaspard Boesch. Difficile dans une saynète n’excédant pas sept minutes de développer vraiment une histoire et de caractériser ses personnages. «Il faut entrer tout de suite dans le vif du sujet, tendre vers l’efficacité. C’est très comparable à la pratique du court métrage.» Ou à celui de la nouvelle. Pour Céline Goormaghtigh, «un twist fort garantit qu’on se souvient longtemps du sujet».
Traitement humoristique
Avec une telle thématique, «Clash» aurait pu prendre des allures shakespeariennes. Ce n’est jamais le cas. «Il y a un minidrame dans chaque sketch, mais le traitement reste toujours humoristique», assurent comédien et metteuse en scène, en prenant l’exemple du film «L’emmerdeur», avec Jacques Brel et Lino Ventura. «L’histoire met en présence un tueur et un type présentant des problèmes psychologiques. Rien de drôle a priori. C’est la confrontation entre ces deux personnages qui se révèle irrésistible.»
Fils de son père et musicien accompli, Léon Boesch accompagne musicalement ce polyptyque de la discorde, en compagnie de Lou Golaz. En live, le duo crée des liens et fluidifie le passage entre les sketchs, aux claviers, à la guitare, aux violoncelles et à l’aide de bruitages. «On ne voulait pas d’airs connus, genre Eurythmics ou Patrick Bruel. C’est de la pure création.» Garantie sans fâcherie.
«Clash», du 17 au 25 juin au Théâtre de l’Espérance, 8, rue de la Chapelle. Ma et ve 20 h, me-je-sa 19 h. Rés: info@theatre-confiture.ch et 022 793 54 45
Philippe Muri est journaliste, coresponsable de la rubrique culturelle. Il couvre en particulier la bande dessinée et les sorties culturelles. Il a également travaillé comme journaliste sportif ou chef d'édition aux quotidiens «Le Matin» et «Le Temps», ainsi qu'à l'hebdomadaire «L'Illustré».
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