Consommation dans le Grand GenèvePourquoi les prix pourraient bientôt augmenter encore en France
L’opération anti-inflation dans les supermarchés s’arrête le mois prochain, alors que la grande distribution et l’industrie agroalimentaire n’ont pas trouvé d’accord sur la baisse des prix.

Un bras de fer terrible se joue en France entre le gouvernement, la grande distribution et les industriels de l’agroalimentaire. Le premier demande aux deux autres de faire des efforts pour limiter l’inflation des prix des produits du quotidien.
Ce mercredi à Paris, une réunion capitale a lieu entre les autorités et les industriels, après qu’une autre a eu lieu jeudi dernier avec les distributeurs. La situation est sérieuse. Et l’enjeu est de taille. Explications.
Quel est le problème?
En France, l’inflation générale a atteint en avril 5,9% sur un an. Surtout, celle de l’alimentaire s’est élevée à 14,9% sur la même période.
En comparaison, en Suisse, aux mêmes dates, l’inflation générale était deux fois moindre (2,6%) et celle en particulier de l’alimentation et des boissons non alcoolisées trois fois inférieure (5,4%).
Face à cette situation, le ministre français de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a reçu, jeudi dernier à Bercy, les représentants des poids lourds de la grande distribution. Le responsable leur a demandé de prolonger l’opération «trimestre anti-inflation». Pour rappel, cette opération consiste à proposer dans les rayons des super/hypermarchés des produits du quotidien à des prix préférentiels. Déployée depuis mars, elle doit s’achever le 15 juin.
En outre, le responsable a demandé à l’industrie agroalimentaire de prendre sur ses marges pour faire baisser l’inflation des produits, «au moment où les prix de gros baissent».
Où cela coince-t-il?
La grande distribution a accepté de renouveler l’opération anti-inflation. Mais elle attend que l’industrie agroalimentaire, qui fournit les produits qu’elle vend, fasse aussi des efforts.
Les distributeurs demandent au gouvernement de prendre des mesures concrètes pour ramener les industriels à la table des négociations.
Les dernières négociations commerciales entre distributeurs et industriels en France se sont achevées le 1er mars. Elles ont abouti à une hausse moyenne d’environ 10% des prix payés par les premiers aux seconds.
«Les industriels ne jouent pas le jeu, ils refusent de revenir à la table de négociations pour revoir les prix à la baisse», a déploré Bruno Le Maire sur TMC.
«Si jamais les industriels de l’agroalimentaire refusent de rentrer dans cette négociation, nous emploierons tous les instruments à notre disposition.»
Ce mercredi, le ministre reçoit les représentants des industriels pour les convaincre de participer à l’effort collectif afin de limiter la hausse des prix. La réunion risque d’être tendue. Le responsable politique s’est montré la semaine dernière menaçant à leur endroit. «Si jamais les industriels de l’agroalimentaire refusent de rentrer dans cette négociation (ndlr: avec la grande distribution), ce qu’évidemment je ne peux pas imaginer, nous emploierons tous les instruments à notre disposition, y compris l’instrument fiscal, pour récupérer des marges qui seraient des marges indues faites sur le dos des consommateurs», a-t-il averti.
Une accusation que rejettent les industriels. «Non, il n’y a pas de profiteurs», s’est offusqué jeudi dernier sur RTL le président de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania), Jean-Philippe André. «Nous avons dans tous les contrats des clauses de révision automatique à la hausse ou à la baisse s’il y a des variations sur les matières premières», a-t-il rappelé.
Quel est le risque pour les consommateurs?
Si aucun accord n’était trouvé à terme entre distributeurs et industriels, la hausse des prix pourrait se poursuivre. L’inflation dans l’alimentaire en France pourrait atteindre d’ici à la fin de juin un pic à 17% sur un an, estime Thierry Cotillard, patron de l’enseigne Intermarché (groupe Les Mousquetaires).
«On ne reviendra jamais aux prix d’avant.»
Dans tous les cas de figure, Michel Edouard-Leclerc, le PDG de l’enseigne de grande distribution E. Leclerc, a estimé qu’«on ne reviendra jamais aux prix d’avant».
Pour quelles raisons la situation est-elle explosive?
Le sujet de l’inflation et du pouvoir d’achat est brûlant en France sur les plans social, politique et économique.
Le mouvement social des «gilets jaunes» n’est pas très ancien (2018-2020) et est encore dans toutes les têtes. Lui aussi était lié au pouvoir d’achat, puisqu’il avait débuté suite à la hausse des prix des carburants à la pompe.
Idem pour le mouvement qui agite encore nos voisins outre-Jura sur la réforme de la retraite, telle qu’imposée récemment par le président de la République Emmanuel Macron. Ce mouvement se nourrit également (entre autres raisons en toile de fond) des difficultés de nombreux Français à boucler leurs fins de mois, en raison justement de la hausse des prix de l’alimentaire et de l’énergie.
Pourquoi les Suisses sont-ils aussi concernés?
Nombre d’entre eux font (plus ou moins régulièrement) leurs achats alimentaires dans les commerces des départements frontaliers, l’Ain et la Haute-Savoie notamment. Ils cherchent ainsi à bénéficier à la fois de prix moins élevés que dans notre pays sur certains produits et du choix en termes de marques et articles. Ils seront directement touchés par la hausse des prix en France, qui rend le tourisme d’achat moins intéressant.
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